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[CRITIQUE] Les Meutes – Casablanca en noir et sépia

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Par Louan Nivesse

Dans un Casablanca nocturne et glauque, Les Meutes de Kamal Lazraq nous plonge dans les méandres de la désespérance sociale à travers l’histoire d’Hassan et son fils Issam, deux anti-héros chargés d’une mission d’enlèvement qui tourne rapidement au cauchemar. Le réalisateur marocain déploie une esthétique novatrice, nous entraînant dans les quartiers populaires de la ville, où la rue semble avoir pris le pas sur ses habitants. Entre drame et comédie, le film oscille entre le tragique et le burlesque, évoquant des références au cinéma de gangster à la manière de Quentin Tarantino. Bien que notre appréciation globale soit assez mitigée, quelques soupçons de génie suscitent l’envie d’encourager ce long-métrage prometteur.

CAUCHEMAR À CASABLANCA

Les Meutes nous plonge dans une nuit oppressante où Hassan et Issam, pris dans une mission d’enlèvement, se retrouvent malgré eux avec un cadavre encombrant. Dans un Casablanca sale et nocturne, le réalisateur crée une atmosphère tendue et anxiogène, accentuée par l’esthétique de la nuit et l’utilisation de décors réalistes. Le choix de cette ville marocaine n’est pas anodin, puisqu’elle offre un cadre idéal pour un film noir, peuplé de personnages aux abois et de quartiers populaires désenchantés.

L’esthétique novatrice du film réside dans l’utilisation du contraste entre la noirceur des ruelles et la lumière crue des phares de voitures, qui donnent une ambiance presque surréaliste aux scènes nocturnes. Les Meutes réussit ainsi à saisir l’essence même de Casablanca, une ville où la misère sociale côtoie le rêve d’une vie meilleure. Les protagonistes, Hassan et Issam, incarnent cette population désœuvrée et paumée, cherchant désespérément un moyen de s’en sortir.

© Ad Vitam
SAUVER SON CUL ENTRE DEUX CHAISES

L’un des attraits du film réside dans son habileté à mêler le tragique et le burlesque. Les situations absurdes auxquelles font face les deux anti-héros pour se débarrasser du cadavre pourraient aisément virer à la comédie, mais l’arrière-plan de désespérance sociale les empêche de tomber dans la légèreté. Le réalisateur joue avec les codes du film de gangster, empruntant des références au cinéma de Quentin Tarantino, tout en insufflant une dimension propre à l’univers de Casablanca.

Le titre “Les Meutes” fait référence aux personnages humains plutôt qu’aux chiens mentionnés dans le prologue. Il est lui-même une métaphore sur la condition humaine dans cette société violente et cruelle. La recherche de la liberté, de l’absolution et de la rédemption face à leurs actes criminels se révèle être le véritable enjeu pour Hassan et Issam.

ROAD-MOVIE DE L’ENSEIGNEMENT

Les Meutes dépeint également un voyage initiatique pour les deux personnages principaux. Au fil de la nuit, Issam, initialement réticent à suivre son père dans cette aventure, prend peu à peu les choses en main, tandis que Hassan se découvre une facette plus sensible. La présence de la mère, qui les instruit sur les rituels funéraires, fait disparaître partiellement la dimension criminelle de l’histoire, remplaçant la violence par une sorte d’humanité apaisante.

L’ambivalence du propos, entre bien et mal, est habilement traitée par Lazraq, qui réussit à maintenir le spectateur en haleine tout au long du récit. Les choix moraux et les compromis qu’ils doivent faire pour survivre dans cette jungle urbaine constituent le cœur du drame. Les Meutes interroge sur les notions de culpabilité et de rédemption, tout en nous laissant entrevoir une lueur d’espoir dans ce monde sombre et impitoyable.

© Barney Production – Mont Fleuri Production – Beluga Tree
UN PREMIER FILM AVANT TOUT

Les Meutes marque les débuts de Kamal Lazraq en tant que réalisateur de long-métrage, et malgré quelques défauts, il démontre une maîtrise prometteuse de la mise en scène. Son utilisation habile de la tension dramatique et du suspense, associée à une esthétique nocturne innovante, confère au film une identité visuelle marquante. Le réalisateur marocain montre également une volonté d’explorer les problèmes sociaux du Maroc contemporain, offrant une plongée saisissante dans les quartiers populaires de Casablanca. Si le film ne tient pas totalement ses promesses, il témoigne néanmoins de l’émergence de cinéastes talentueux et ambitieux dans la région du Maghreb.

Bien que nos réserves (le burlesque qui casse souvent la grande tension du long-métrage et ce final anti-spectaculaire qui ne nous récompense pas suffisamment) nous limitent, Kamal Lazraq offre une expérience plutôt fascinante, empreinte d’ambiguïté et d’émotions. Les rues crasseuses de Casablanca deviennent le théâtre d’un drame humain où la tragédie se mêle à l’horreur. Aux spectateurs qui ont apprécié l’ambiance sombre et puante de Limbo de Soi Cheang, Les Meutes propose une immersion profonde dans un Casablanca dépeint comme un univers sale et mystérieux. C’est un voyage initiatique dans les méandres de l’âme humaine, entre bien et mal, dont les échos du cinéma de Quentin Tarantino se font ressentir. En somme, un récit singulier, où la nuit révèle les secrets les plus sombres et où l’humanité tente de se frayer un chemin vers la lumière.

Les Meutes de Kamal Lazraq, 1h34, avec Ayoub Elaid, Abdellatif Masstouri, Mohamed Hmimsa – Au cinéma le 19 juillet 2023

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