[CRITIQUE] Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3 – Dernier tour émouvant dans l’espace Marvel

Il s’en est passé des choses depuis que James Gunn s’est amusé à fouiller ses vieux cartons de comics pour Marvel. Viré par le studio après deux films et cinq ans de bons et loyaux services, réembauché quelques mois plus tard malgré un passage chez la concurrence (pour le déjanté The Suicide Squad), le réalisateur rempile pour le troisième épisode (ou « volume » selon le titre) des Gardiens de la Galaxie. Le dernier sous sa direction, car le bonhomme est entre-temps devenu la tête pensante de DC Studios, désormais attaché aux portages sur grand écran de Batman, Superman et compagnie. Par chance, Gunn n’est pas un souillon : aucune trace de rancune ou de sabotage dans cette ultime épopée de l’espace, où les super-ringards se frottent à leurs démons avant l’ultime baisser de rideau. Le réalisateur les récupère rincés, la faute aux événements d’Avengers : Endgame et du téléfilm Joyeuses Fêtes (diffusé exclusivement sur Disney+). Peter Quill, chef de la meute, noie son chagrin dans l’alcool suite à la mort (puis au remplacement magique) de Gamora. Les autres tentent de garder la tête haute, non sans crises d’hystérie et bousculade. Pas le temps de s’apitoyer pour autant : l’arrivée en trombe d’un ennemi surpuissant les oblige à se remettre en selle, sans vraiment comprendre ce qui leur tombe dessus, mais également à éplucher le triste passé de Rocket Raccoon, le membre le plus poilu de l’équipe et probablement le plus traumatisé. L’auteur partage cela avec sa bande de bras cassés, tous reviennent de loin. Et c’est déjà ce qui faisait la richesse du premier volume : sa troupe de pirates au parcours peu reluisant, meurtris et torturés, des marginaux cabossés qui finissaient par trouver dans le collectif un moyen de taire leur souffrance individuelle. Gunn réaffirme ce postulat une fois encore, en faisant souffler un vent de désinvolture et d’inconvenance chez les super-héros, en chérissant davantage ses personnages que tout autre élément de son script, se risquant à quelques passages à vide et faux pas scénaristiques, mais toujours dans l’optique de bavarder davantage avec eux, ces ratés qui, dans le fond, lui ressemblent un peu.

Petit raton est devenu grand personnage. / © The Walt Disney Company France

Futé, le cinéaste ne dépoussière pas n’importe quel méchant bizarroïde tiré de récits obscurs. Il jette son dévolu sur le Maître de l’Évolution, un savant fou eugénique aux airs de Docteur Frankenstein projetant de concevoir l’espèce parfaite. En opposition à ce bourreau en blouse mauve qui ne court qu’après l’excellence génétique, la difformité des héros n’en est que plus probante et réjouissante, leurs quiproquos plus fendards, leurs blessures plus touchantes. Les Gardiens se sont, pour ainsi dire, désolidarisés (dans le bon sens) de la franchise grâce à leur imperfection et au génie comique avec lequel le metteur en scène est parvenu à investir leurs brèches. Comme les deux précédents, le long-métrage de James Gunn sonne comme un acte de piraterie au sein du système Marvel, pas moins spectaculaire et distrayant que le reste de ses productions, mais jamais engourdi par le cahier des charges, mis en boite proprement, branché à des thématiques contemporaines et urgentes (la maltraitance animale, par exemple) et autrement plus dépaysant que ces Avengers et Captain America enfermés en métropole américaine. Avec un boulevard créatif aussi large que l’espace qu’il traverse, Gunn s’en donne à cœur joie pour faire coaguler ses visions dégoulinantes de dégueulasserie. Les Gardiens de la Galaxie Vol.3 est un véritable théâtre cosmique de viscosité, de trucs gluants, de costumes rebutants, de tronches que l’on espère ne jamais recroiser. Mais au-delà du délire kaléidoscopique et baveux, le cinéaste n’oublie pas d’insuffler un peu de grandeur à ce dernier braquage spatial, mélancolique et abreuvé de séquences éruptives où la caméra glisse entre les personnages tandis qu’ils étripent leurs adversaires, respectant une chorégraphie faussement improvisée. Une autre manière de souligner les dynamiques de groupe, primordiales, ou comment cohabitent humain, aliens, arbre et cyborg dans un même vaisseau exigu. Une telle science du panoramique et du ralenti devrait manquer à la saga, comme ces perdants magnifiques qui semblent ici faire leurs adieux. James Gunn devrait toutefois perpétuer leurs archétypes dans un autre univers, celui de Superman : Legacy, son Man of Steel à lui.

Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3 de James Gunn, 2h30, avec Chris Pratt, Bradley Cooper, Zoe Saldana – Au cinéma le 3 mai 2023.

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