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[CRITIQUE] Le Procès Goldman – Être innocent

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Par Louan Nivesse

Le Procès Goldman de Cédric Kahn se dresse tel un phare, éclairant de sa lumière crue les dédales complexes du système judiciaire français des années 70. Dans ce plaidoyer captivant, Kahn nous convie à une réflexion profonde sur la justice, la culpabilité, et les idéaux politiques, tout en dressant le portrait fascinant de Pierre Goldman, un intellectuel engagé et criminel notoire.

Le personnage central de ce drame judiciaire, Pierre Goldman, incarne une énigme ambulante, une dualité perpétuelle entre le flambeur et le militant, entre le criminel et l’intellectuel. Incarné de manière magistrale par Arieh Worthalter, c’est un homme à la fois repoussant et charismatique, dont l’éloquence ardente et les saillies verbales donnent une puissance inouïe à ses discours. Cette dualité soulève des questions profondes sur la nature humaine, la quête de vérité et les idéaux politiques qui transcendent les limites de la culpabilité et de l’innocence. Cédric Kahn choisit une approche sobre et épurée, se concentrant sur l’intensité des débats judiciaires plutôt que sur des effets spectaculaires. Cette approche minimaliste renforce la tension du film, enfermant le spectateur dans les étroites limites du tribunal, où chaque mot compte. Cette mise en scène, dépourvue de musique, nous plonge au cœur de l’action, accentuant ainsi la réalité brute de la salle d’audience et soulignant la complexité du procès.

© Moonshaker

Tout cela se déroule dans une France agitée des années 70, marquée par les idéaux révolutionnaires et les mouvements de gauche radicale. C’est dans ce contexte que Pierre Goldman, ancien militant d’extrême gauche devenu braqueur, est jugé pour le meurtre de deux pharmaciennes lors d’un braquage. Kahn utilise habilement ce contexte pour explorer les tensions sociales, le racisme et l’antisémitisme qui imprégnaient la société française de l’époque. Le Procès Goldman se transforme ainsi en un miroir troublant de la France contemporaine, rappelant que ces problèmes persistent toujours. L’injustice est au cœur du procès de Pierre Goldman. Le film met en lumière les préjugés et les failles du système judiciaire, exposant la partialité de la police et les défaillances du système de justice. Les témoignages erratiques et les contradictions des témoins jettent un doute persistant sur la culpabilité de Goldman. Les thèmes du racisme, de l’antisémitisme, de la brutalité policière et de la quête de justice résonnent encore aujourd’hui, faisant écho aux débats sociopolitiques actuels en France et ailleurs dans le monde. Le film souligne la persistance de ces problèmes et rappelle que l’histoire peut être une source d’inspiration et de réflexion pour le présent.

© Moonshaker

Le Procès Goldman ne se limite pas à la simple reconstitution d’un procès, il explore également des thèmes plus profonds liés à l’identité et à l’engagement politique. La déclaration récurrente de Goldman, “Je suis innocent parce que je suis innocent,” remet en question les attentes conventionnelles d’un film de procès qui repose souvent sur des joutes verbales complexes. Cédric Kahn déplace l’attention du spectateur vers le texte écrit par Goldman lui-même, considérant ce texte comme le point central du procès. Par conséquent, le film se concentre sur le jugement du texte de Goldman plutôt que sur la personne elle-même, soulignant ainsi comment le système judiciaire peut parfois dévier de la condamnation des actes criminels pour se concentrer sur l’évaluation de la personne.

Au-delà du procès en lui-même, Le Procès Goldman pose des questions plus vastes sur l’héritage de Pierre Goldman en tant que figure de la gauche intellectuelle française. Son parcours tumultueux, oscillant entre militantisme radical et criminalité, résonne encore dans la mémoire collective. Le long-métrage nous laisse ainsi avec une énigme non résolue, une invitation à poursuivre la réflexion sur la complexité de l’engagement politique et de la justice. L’œuvre de Cédric Kahn est, au final, un hommage à la puissance du cinéma en tant qu’outil de réflexion et d’interrogation, un témoignage de l’art dans toute sa splendeur.

Le Procès Goldman de Cédric Kahn, 1h55, avec Arieh Worthalter, Arthur Harari, Nicolas Briançon – Au cinéma le 27 septembre 2023

8/10
Total Score
  • Louan Nivesse
    9/10 Exceptionnel
  • Kimly Del Rosario
    7/10 Bien
  • Vincent Pelisse
    8/10 Magnifique
  • William Carlier
    8/10 Magnifique
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