[CRITIQUE] Le monde après nous – Charmante tranche de vie

Tous ceux qui rêvent de la romance de Paris devraient regarder cette adorable histoire d’amour pour se confronter à la réalité. C’est coûteux d’être fauché, surtout à Paris, alors Labidi (Aurélien Gabrelli, tout à fait adorable) traverse une période difficile. Il est tellement fauché que le logement qu’il partage avec son maladroit compère Alekseï (Léon Cunha Da Costa) n’est pas assez large pour accueillir un lit simple, une cabine de douche et une cuisinette. Ils doivent dormir à tour de rôle sur le sol, mais comme il existe entre eux une sorte de dynamique à la Simon Pegg/Nick Frost, il n’y a ni friction ni drame. Labidi a fait des études et a des parents qui l’aiment, mais ils arrivent à peine à s’en sortir et il n’est plus si jeune pour s’appuyer sur eux. Mais il y a aussi deux coups de chance. Une nouvelle que Labidi a écrite gagne un concours, ce qui lui permet de trouver un agent (Mikaël Chirinian), et l’agent lui fait rencontrer une maison d’édition, qui lui demande de livrer un roman dans les six mois. Et puis, lors d’une visite dans le sud, à Lyon, pour annoncer la nouvelle à ses parents, Labidi voit une jeune femme, Elisa (Louise Chevillotte), et le monde entier change.

Le film est une tranche de vie profondément charmante des six mois précédant l’échéance, pendant lesquels Labidi se concentre sur le fait de tomber amoureux. Elisa est encore étudiante, dépendante de ses parents pour obtenir son diplôme, mais comment ne pas être enchantée par un homme qui se lève au karaoké, dit à tout le restaurant combien il l’aime, puis chante un vieux standard ringard sur tous vos rêves qui se réalisent ? Alekseï est ravi pour eux, même si leur appartement est tout à fait inapproprié pour trois personnes (il est à peine approprié pour une personne), et Labidi commence immédiatement à chercher comment obtenir un meilleur endroit pour Elisa et lui, par tous les moyens.

Ce n’est pas l’histoire de la vie d’un écrivain, mais plutôt l’histoire de la vie qu’un écrivain doit vivre en dépit de son écriture. Tous ceux qui ont été écrasés par la vie en ville comprendront les petits tours de passe-passe que Labidi doit jouer pour s’en sortir. La culture française est formelle et régie par des règles, ce qui signifie qu’il existe des règles sur la façon dont les normes peuvent être transgressées. Tout le monde dans le cercle de Labidi et Elisa 1. connaît les règles, mais surtout 2. est prêt à se joindre à la tricherie, au mensonge et parfois au vol pur et simple qui sont les seules chances d’avancer. Personne n’aime faire cela, mais à Paris, il faut falsifier une adresse dans un bon quartier pour avoir le droit de s’installer dans un bon quartier, c’est savoir comment déjouer le système qui ouvre les portes. Il est si évident que le nom non français de Labidi a été un obstacle que le film ne perd pas de temps à s’y attarder. L’éthique n’est pas ignorée, mais lorsque les règles ne jouent pas en votre faveur, le film hausse les épaules et montre que vous n’avez pas d’autre choix que de les enfreindre.

La principale faiblesse du film est qu’Elisa n’est vue qu’à travers les yeux de Labidi, Suzanne, sa sympathique directrice chez l’opticien (Noémie Schmidt), a plus de personnalité, mais elle a décidément moins de temps à l’écran. Il est tout à fait possible que le scénario soit une autobiographie à peine voilée du scénariste et réalisateur Louda Ben Salah-Cazanas, notamment parce que la costumière s’appelle Lola Cazanas-Ben Salah. Mais ce n’est jamais complaisant. Le décor populaire fatigué montre la vie quotidienne dans les quartiers de Paris que les touristes voient rarement. Un jeune homme amoureux qui travaille d’arrache-pied pour offrir une vie décente à la fille qu’il aime est une histoire vieille comme le monde, mais que l’on ne voit plus souvent au cinéma. Et la douce détermination de Gabrelli permet de s’identifier facilement à un jeune homme qui tente désespérément d’apporter un peu de bonheur dans un monde qui s’en moque. Labidi a les compétences, les connaissances, le réseau de soutien et le désir de réussir. Tout ce dont il a besoin, c’est de l’espace et du temps pour travailler sur son livre. Qu’il ait ou non la chance de le faire, c’est déjà un bon point de départ.

Note : 3.5 sur 5.

Le monde après nous disponible à l’achat et à la location sur viva.videofutur.fr

Au cinéma le 20 avril 2022.

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