[CRITIQUE] La Petite Sirène – Une vague d’ennui à ne pas prendre à la légère

Dans les eaux tumultueuses d’une adaptation cinématographique insipide, La Petite Sirène de Rob Marshall s’enlise dans un océan de médiocrité. Les années 1830, dans les Caraïbes, servent de toile de fond à cette mascarade navrante. Ariel, interprétée par Halle Bailey, incarne une sirène en quête de liberté et de nouveauté. Malheureusement, malgré sa voix splendide qui résonne tel un murmure des profondeurs, sa performance en tant qu’actrice laisse à désirer. C’est comme si elle naviguait dans des eaux troubles, sans trouver le phare de la conviction. Certes, le choix d’avoir une petite sirène afro-américaine peut sembler louable, offrant ainsi aux petites filles afro-américaines une princesse à laquelle elles peuvent s’identifier. Cependant, ce n’est qu’une lueur dans l’obscurité de ce spectacle visuel chaotique. Le sourire tape-à-l’œil d’Halle Bailey et sa présence rayonnante ne parviennent pas à sauver ce naufrage photographique, dont le réalisme altéré fait pâle figure face aux prouesses de l’avant-gardiste Avatar : La Voie de l’Eau.

© 2023 Disney Enterprises, Inc. All Rights Reserved.

Les seuls rayons de soleil émergent des scènes mettant en scène Sébastien et Eurêka, interprétés respectivement par Daveed Diggs et Awkwafina. Leurs échanges savoureux ressemblent à des perles rares échouées sur une plage déserte. Mais hélas, ces moments fugaces ne parviennent pas à dissiper l’amertume ambiante. Le film, submergé par une marée d’effets spéciaux, nous laisse dans une indifférence abyssale. Le sentiment de se trouver sous l’océan est aussi inexistant que la présence de bon goût dans cette production niaise. L’humour infantilisant, qui se voulait peut-être une bouée de sauvetage pour les jeunes spectateurs, se révèle être un harpon lancé droit dans le cœur des aspirations artistiques et comiques. La mise en scène elle-même se montre insipide, sans mouvement ni élan, comme si l’eau salée avait engourdi les membres des personnages. Les séquences musicales, censées être des vagues d’émotion, se figent telles des créatures en apnée, emprisonnées dans une immobilité glaciale. L’ensemble est d’une fadeur incommensurable, privant les spectateurs de toute incursion dans les profondeurs narratives. Les adaptations “live-action” de Disney, telles des sirènes chantant de faux airs de renouveau, ne font que recopier de manière médiocre les œuvres originales. Leur existence persistante dans un gouffre de mauvais goût suscite une douleur lancinante, rappelant que la noyade est la plus cruelle des fins.

Cette esthétique réaliste, artificiellement altérée par la technologie, fait regretter la version animée, qui, malgré ses sirènes pulpeuses et son côté légèrement kitsch, laissait entrevoir une fraîcheur, une candeur à présent effacées par la sophistication des images de synthèse. L’éclat des vagues s’est dissipé, laissant place à une surface plate, dénuée de tout charme. Les deux nouvelles chansons de Lin-Manuel Miranda, telles des coquillages échoués, ne renferment hélas rien de précieux. Quant aux costumes, ils évoquent un carnaval aquatique de mauvais goût, avec un Javier Bardem paré en Triton, sorti tout droit d’une fan-fiction d’Aquaman. Le combat final, tel un ressac impuissant, est expédié en trois minutes sans la moindre tension dramatique. Les flots de l’ennui s’abattent sur les spectateurs, engloutissant leurs attentes dans un silence déconcertant. Même le son présente des failles, tantôt étouffé sous l’eau, tantôt émergent de manière déstabilisante. C’est un rappel amer de l’incohérence qui étreint cette production échouée.

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Melissa McCarthy, dans le rôle d’Ursula, semble s’être laissée emporter par les flots de l’excès. Ses capacités vocales, surprenantes mais néanmoins éclipsées par l’ensemble, offrent un bref répit dans cette tempête de médiocrité. Quant à Javier Bardem, il enfile l’habit de Triton comme un plongeur en combinaison de plongée, mais son jeu se résume à une simple baignade en apnée, en attendant de toucher son petit chèque. Malheureusement, Jonah Hauer-King, dans le rôle du Prince Eric, se révèle être le maillon faible du casting, englouti par son jeu médiocre et ses limites vocales flagrantes.

En fin de compte, La Petite Sirène de Rob Marshall est une déception profonde, une vague d’insipidité qui échoue à capturer la magie et la profondeur du dessin animé original. Tel un trésor perdu dans les profondeurs, il ne reste que des échos décevants de l’océan de possibilités qu’il aurait pu offrir.

La Petite Sirène de Rob Marshall, 2h10, avec Halle Bailey, Cerise Calixte, Jonah Hauer-King – Au cinéma le 24 mai 2023.

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