[CRITIQUE] La Main – La Main justifie les moyens

Après avoir fait sensation au festival de Sundance en 2022 – et après une longue bataille entre distributeurs -, le premier film des frères Philippou débarque dans les salles obscures françaises cet été. Distribué en France par le studio A24 (et surtout SND), réputé ici et là comme un distributeur/studio de production privilégiant la qualité, La Main (Talk to Me) a sur le papier tout pour être un film d’horreur divertissant. Dans celui-ci une bande d’adolescents découvre une mystérieuse main capable de communiquer avec des esprits, ceux de personnes décédées. Ce qui semble être un frisson pris à la légère par le groupe devient rapidement une source de terreur lorsque l’un d’entre eux libère malgré lui une force maléfique…

© Capelight Pictures OHG
FILMER L’HORREUR À L’AUSTRALIENNE

À partir de l’un des postulats les plus éculés du cinéma d’horreur, les frères Philippou parviennent à déployer un film efficace regorgeant d’idées. Si la logique du fonctionnement de la main hantée peut paraître largement confuse, les réalisateurs australiens exploitent pleinement le potentiel du concept pour mener tambour battant un récit divertissant à suivre pour le spectateur. Ici, pas d’explication limpide pour justifier tout l’univers fantastico-diabolique qui traverse le long-métrage. Mais cet errement scénaristique est largement pardonnable tant le résultat final est jouissif et étonnamment abouti pour un premier film.

Le film prend le pari d’avoir un ton particulier. En effet, La Main ne repose pas que sur des séquences horrifiques « classiques » puisque l’atmosphère angoissante est renforcée par une gêne constante que nous transmettent les personnages. Le spectateur n’a aucun personnage rationnel sur lequel s’appuyer, ce qui rend le récit rapidement déroutant. Le film dresse le portrait d’adolescents visiblement inconscients et naïfs qui enchaînent les bourdes et les décisions discutables. Toutes ces erreurs sont motivées par le fait que chacun d’entre eux est mal à l’aise au sein du groupe social pour une raison différente (timidité, deuil, peur de la sexualité, etc.). À l’écran, ces personnages plein de névroses semblent être les cobayes parfaits pour subir la cruauté d’esprits malveillants. Leur mal-être respectif étant représenté par la plupart des séquences horrifiques très efficaces.

© Capelight Pictures OHG

Le problème avec ce propos sur le mal-être social est la non-subtilité à toute épreuve du message sur l’addiction. Dans le film, l’on utilise la main hantée en soirée pour se détendre, être intégré socialement. Les personnages compensent leurs névroses par l’addiction : l’alcool, leur téléphone, la cigarette et la drogue. Présenté de cette manière, l’on dirait bien plus une parodie d’épisode de Captain Planet plutôt qu’une véritable réflexion sur ce qui pousse les adolescents à avoir toutes ces addictions. En résulte un message lourdingue, qui était largement compréhensible pour peu qu’on s’intéresse aux mécanismes du cinéma horrifique. Dommage d’avoir voulu marteler le spectateur avec ce message donc, car il était largement compréhensible sans passer par des dialogues sur-écrits.

TALK TO ME(AN)
© Capelight Pictures OHG

Pourtant, malgré quelques maladresses dans l’écriture, La Main reste un film d’horreur de très bonne qualité. Si le début du long-métrage peut sembler un brin poussif, ce n’est rien comparé aux deux autres tiers du récit qui explorent beaucoup plus intelligemment son high concept. On retiendra notamment l’aspect thriller paranoïaque de la dernière partie, très réussi et qui se mixte parfaitement avec l’horreur ambiante. Pour éviter la redondance, les cinéastes utilisent sciemment un montage ludique pour dynamiser le récit. Comme dans la séquence musicale de la soirée chez Jade, ou grâce à l’utilisation récurrente de flash-back.

La Main tient ses promesses d’un spectacle horrifique qui tient en haleine son spectateur jusqu’au bout. Pour ce faire, le long-métrage repose le sound design et ses effets pratiques impressionnants au vu du budget dérisoire – environ 4,5 millions de dollars – du film. Le savoir-faire de l’équipe du film est mis à l’honneur dans de nombreuses séquences, à l’image de la vision des limbes située en fin de récit. Tout simplement terrifiant. De plus, le long-métrage bénéficie d’une identité visuelle propre et se distingue ainsi de la masse actuelle de films d’horreur. De ce fait, La Main n’a rien à envier aux récentes productions hollywoodiennes du même genre (M3GAN, Malignant, Smile,…). Enfin, le film profite d’un casting très prometteur qui donne du coeur aux séquences de possession. Mention spéciale au jeune Joe Bird qui livre une prestation bluffante.

En somme, La Main est la bonne surprise horrifique de l’été. Si il n’est pas exempt de reproches, il n’en demeure pas moins un long-métrage réjouissant et divertissant. On ne peut qu’avoir hâte de découvrir la suite de la carrière des frères Philippou, qui semble-t-il, serait en passe de réaliser la nouvelle adaptation de Street Fighter sur grand écran.

La Main de Danny Philippou et Michael Philippou, 1h34, avec Sophie Wilde, Joe Bird, Alexandra Jensen – Au cinéma le 26 juillet 2023

0
0

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *