[CRITIQUE] How to have sex – Toucher dans le cœur

Le genre cinématographique des teen movies se révèle captivant de par sa diversité d’approches des multiples facettes de l’adolescence. Le cinéma exploite avec habileté cette richesse de genres : comédie, drame, horreur, romance, et bien d’autres. Toutefois, la quintessence de ce genre émane véritablement lorsque ces sous-genres se mêlent harmonieusement. Un exemple notable serait We Are Your Friends de Max Joseph, une œuvre singulière mariant subtilement la comédie, la romance et le drame, offrant un véritable frisson cinématographique. Ainsi, lorsqu’un nouveau teen movie voit le jour, l’espoir d’expérimenter à nouveau cette mosaïque d’émotions et de genres qui caractérise l’adolescence s’anime en moi.

How to Have Sex s’impose comme le premier long-métrage de Molly Manning Walker, une jeune réalisatrice britannique de 29 ans. Le film narre les péripéties de trois étudiantes, Tara, Em et Skye, récemment diplômées, qui se lancent dans une quête effrénée de festivités, d’alcool et de rencontres charnelles lors d’un séjour à Héraklion, en Grèce. Toutefois, un obstacle se dresse sur leur chemin : Tara, la seule du groupe à être encore vierge, devient la cible des taquineries de ses amies. La rencontre avec Badger, Paddy et Paige pousse Skye à pousser Tara dans les bras des membres masculins du groupe. Cependant, la fête se mêle bientôt à des excès d’alcool, de sexualité et de comportements abusifs, perturbant les plans initiaux.

 © Condor Distribution

Récompensé du prestigieux prix “Un certain regard” au Festival de Cannes, le film s’impose comme une réalisation de haute volée. Molly Manning Walker démontre une maîtrise impressionnante de la mise en scène, alliant ingéniosité et sensorialité. La narration se divise en deux parties, explorant la période avant et après la première expérience sexuelle de Tara. La performance remarquable de l’actrice principale, Mia McKenna-Bruce, façonne l’évolution du personnage, offrant un spectre émotionnel d’une délicatesse remarquable qui suscite l’admiration. Mia McKenna-Bruce, déjà aperçue dans la série The Witcher, assume le leadership du film avec brio. Tantôt exaspérante, tantôt fascinante, tantôt touchante, elle dévoile une palette de jeu d’une profonde sensibilité qui force le respect. Elle est magnifiquement accompagnée par ses consœurs à l’écran : Lara Peake, incarne de manière remarquable la parfaite “bad bitch” britannique, tandis que Daisy Jelley joue le rôle de l’amie douce. Ces trois jeunes actrices, au-delà de porter l’intrigue, éblouissent par leur présence envoûtante à travers leurs danses, leurs libations et leurs étreintes empreintes de désir.

Le film se distingue également par son ingéniosité technique. Il interroge la manière de représenter la perte de repères en utilisant un procédé d’une efficacité saisissante : filmer les personnages dans leurs actions tout en jouant de la musique pour symboliser leurs pensées. Ainsi, en suivant le parcours de Tara, le spectateur pénètre directement dans son esprit, partageant avec elle ses sombres pensées sur une trame sonore de boîte de nuit sans basses. Les séquences festives, parmi les plus mémorables du cinéma récent, absorbent littéralement le spectateur, plongeant dans l’effervescence des jeunes corps qui s’abandonnent aux plaisirs de l’alcool. La caméra s’approche au plus près des scènes du film, créant une immersion totale. Cependant, il convient de noter que le film pèche par quelques longueurs dans sa première moitié, bien que celles-ci prennent sens plus tard, constituant une brève rupture dans le récit.

La jeune réalisatrice pose ici des questions pertinentes qui ébranlent la jeune génération : la communication, le consentement, la débauche et comment concilier ces éléments. Face à l’horreur de certaines scènes parfois insoutenables, le film transmet simultanément la douceur de la compassion. Il explore le pire et le meilleur de l’humanité sans sombrer dans le pathos, offrant une expérience émotionnelle pure à travers le regard des personnages. Le film ne cherche pas à moraliser, mais à dépeindre les actes avec une sincérité aussi bien cruelle que tendre. Le premier film de Molly Manning Walker, riche d’ingéniosité et empreint de passion, saisit avec finesse les préoccupations de sa génération. Une œuvre cinématographique sensorielle d’une intelligence remarquable, un premier film majeur.

How to have sex, de Molly Manning Walker, 1h28, avec Mia McKenna-Bruce, Samuel Bottomley, Lara Peake – Au cinéma le 15 novembre 2023

7/10
Note de l'équipe
  • Vincent Pelisse
    6/10 Satisfaisant
  • William Carlier
    6/10 Satisfaisant
  • Louis Debaque
    8/10 Magnifique
  • Cécile Forbras
    8/10 Magnifique
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