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[CRITIQUE] Frère et sœur – Et… ta mère aussi !

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Par William Carlier

Il n’est jamais agréable de constater le piètre jeu d’un acteur que l’on apprécie, surtout lorsqu’il est dirigé par un auteur. Le film d’Arnaud Desplechin est une souffrance constante, paralysée par sa théâtralité des plus bourgeoises. Puisqu’il y a tout de même un semblant d’histoire, Frère et sœur est un récit de retrouvailles après un accident causant l’hospitalisation des parents, entre deux enfants qui se sont aimés puis haïs. S’il s’agit d’une forme scénaristique assez simple, nous spectateurs étions en droit d’espérer davantage qu’une caricature du film d’auteur. Malheureusement, le long-métrage n’excelle ni dans la comédie ni dans le drame. Faudrait-il même le situer quelque part si ce n’est le nanar, tant le cinéaste survole en permanence sa base scénaristique. Dès les premières minutes, le ton est donné.

Oui, Melvil Poupaud jouera ce personnage insupportable qui jalouse sa sœur pour une pseudo notoriété, imbu de sa personne. Non seulement, la direction des acteurs est catastrophique mais également les dialogues. L’intonation et le phrasé se travaille, comme au théâtre Monsieur Desplechin. Et comme si cela n’était pas suffisant, le réalisateur ne travaille pas la continuité du récit. Les ellipses s’enchaînent, certaines scènes ne durent qu’une petite minute pour un seul objectif, celui d’ajouter un élément facultatif à l’intrigue. La crédibilité des personnages est essentielle au genre dramatique, puisqu’elle permet l’émotion dans les moments clés d’un film. Il se situe déjà un problème majeur pour Frère et sœur si l’on en vient à repenser la cause de la retrouvaille, soit la perte des parents. Le personnage de Marion Cotillard et celui de Poupaud n’ont jamais d’empathie pour les leurs, se prélassant (oui !) sur leur lit de mort pour se plaindre. En réalité, Desplechin ne remet jamais en cause le mépris à l’encontre des parents, qui est pourtant régulier chez les deux enfants. D’une petite querelle familiale, les deux bourgeois semblent plus touchés par une maladie de la connerie, que celle de leurs propres parents. Comment penser ainsi qu’ils aient pu accepter de se rendre à l’hôpital, au cimetière ?

Marion souffre, nous aussi.

Tristement, Frère et sœur se repose en réalité sur un accident des parents, mis en scène de la plus exagérée des manières, pour tout justifier. Les enfants semblent subir l’absence de réactivité des parents pour les remettre dans le droit chemin. Le frère dit que sa mère ne l’aimait pas, et cela est très compréhensible. Caricature du bourgeois, le personnage ne cesse d’horripiler tant ses discours sont verbeux, dénués de recul et abscons. Pourtant, et c’est là que Desplechin inquiète sur son ambition artistique, s’il en avait une, le long-métrage progresse vers une réconciliation prévisible des deux personnages. Celle-ci est inintelligible, pour la simple raison qu’il n’y a absolument aucune raison la justifiant, les personnages n’ayant rien partagé en commun entre eux si ce n’est la mort de leurs parents, qui ne les a pas vraiment affectés à l’écoute de leurs propos.

L’écrivain qui ne connait pas la critique. Autodérision ou ridicule ? Lamentable !

Comment être ému ? Ce dialogue d’égos pourra intéresser les plus adeptes en psychanalyse du narcissique, mais pour le reste il ne présente franchement aucun intérêt… surtout lorsque le réalisateur souhaite le rendre compréhensible. Certains comportements ne relèvent pas de la logique, en particulier lors de la représentation du personnel médical et hospitalier. Mais le comble revient aux différents malaises et réactions explosives du frère et de la sœur, dont on peine à comprendre la survenance. Sur la forme, le film est correctement réalisé mais cela n’est pas suffisant pour palier à la bêtise du scénario. Déconnectées de la réalité, les scènes s’enchaînent sans lien logique entre elles, jusqu’à une sous-intrigue où Cotillard devient amie avec une « fan » de ses performances théâtrales. On peut toujours se demander l’utilité de son ajout, la raison est simple : il n’y en a aucune.

Le discours est facile et attendu, comme pour ce genre de récit parce que Monsieur Desplechin a joué au fainéant. Non, l’émotion ne peut pas se forcer avec quelques violons dès qu’un personnage marche la nuit. Non, divaguer sur un possible amour incestueux ne relève pas d’une idée intéressante, lorsqu’elle est amenée en quelques secondes. Oui, vos personnages sont insupportables. Oui, votre film l’est tout autant.

Note : 0.5 sur 5.

Frère et soeur au cinéma le 21 mai 2022.*

*Si vous y tenez vraiment.

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