[CRITIQUE] Eiffel – La grosse tour de Romain Durcît

Le projet de Gustave Eiffel se distinguait par son audace et sa minutie, prêt à être exécuté avec une planification méticuleuse qui prédestinait son succès. Gustave Eiffel, l’un des plus grands ingénieurs français – et peut-être mondiaux –, a atteint son apogée avec la Tour Eiffel, sa réalisation phare. Eiffel de Martin Bourboulon s’attache à mettre en lumière ces qualités, les enrichissant d’une romance qui, pour être franche, s’avère un ensemble de clichés du début à la fin. Pourtant, cette familiarité ne m’a nullement dérangé.

Emma Mackey, reconnue pour son rôle dans Sex Education, incarne dans Eiffel un personnage radicalement différent. Elle joue Adrienne Bourgès, l’amour originel de Gustave Eiffel, une jeune paysanne fortunée en conflit avec son père. Adrienne, esprit doux et libre, élevée dans le luxe, offre un contraste saisissant avec son autre personnage, Maeve. Si Adrienne et Gustave incarnent des figures classiques, le film souffre d’une tension mélodramatique habituelle du genre : vont-ils s’unir ou non ? À travers des flashbacks, le récit remonte d’abord à la construction achevée de la Tour Eiffel, puis explore la jeunesse idéaliste de Gustave, à peine sorti de la gloire de la Statue de la Liberté. Ces sauts dans le temps maintiennent l’intérêt du spectateur, tandis que l’intrigue romantique se dévoile avec lenteur. Seule la jeunesse indiscernable de Mackey, probablement due à son rôle adolescent dans Sex Education, rend certains flashbacks déroutants. Romain Duris, dans le rôle de Gustave, incarne avec brio un homme autrefois glorifié, désormais tourmenté, accentuant la prestance d’Emma Mackey.

Eiffel nous transporte dans le romantisme parisien, tissant des relations amoureuses captivantes entre ses personnages, mais souffre du syndrome habituel des films d’amour : un couple en difficulté. Ces histoires peuvent irriter car elles semblent trop compliquées pour être réalistes, mais elles fonctionnent pour l’intrigue, celle d’un homme construisant un géant mal-aimé à ses débuts. Les scènes entre Gustave et Adrienne sont chorégraphiées avec finesse, conservant tendresse et tension, appuyant les flashbacks. Le mari d’Adrienne, joué par Pierre Deladonchamps, incarne le cliché de l’homme abusif, nécessaire pour relier romance et construction monumentale. Le mélodrame romantique contraste fortement avec le récit de l’architecte, qui aurait suffi à porter le film. Les deux tons semblent inconciliables, créant un rythme artificiel, bien que les compositions grandioses d’Alexandre Desplat essaient de les harmoniser.

Les moments les plus captivants restent les détails techniques sur la construction de la tour. Même les non-initiés en génie ou en mathématiques seront fascinés par ces explications : le film y consacre une grande part, décrivant la construction d’une tour métallique imposante dans une France marécageuse. Bien sûr, Gustave a bâti cette tour monumentale pour satisfaire son ego. J’aurais aimé que le film explore davantage les réactions initiales négatives face à la Tour Eiffel et comment Gustave les a gérées en tant qu’architecte renommé, mais ce sujet reste sous-exploité. Enfin, centré sur l’histoire et la romance, le film conclut avec un texte sur le nombre de visiteurs annuels à la Tour Eiffel, soulignant sa forme en A pour Adrienne. Bien que cette connexion entre les récits soit appréciable, elle m’a semblé un peu artificielle après l’intensité des deux autres fils narratifs.

Eiffel de Martin Bourboulon, 1h49, avec Romain Duris, Emma Mackey, Pierre Deladonchamps – Au cinéma le 13 octobre 2021.

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