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[CRITIQUE] Argylle – Arrrg ! aïe.

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Par Louis Debaque

Matthew Vaughn, réalisateur de renom, laisse son empreinte au cours de la dernière décennie. Si l’on doit rappeler ses débuts prometteurs avec le respectable Layer Cake en 2004, il convient d’admettre que sa véritable ascension en tant que cinéaste ne se concrétise qu’en 2010, lorsqu’il adapte la bande dessinée Kick-Ass. Dès ce moment, le metteur en scène révèle son inclination pour le récit pulp et l’univers des comics. En transposant cet ouvrage américain audacieux sur grand écran, il nous offre un divertissement à la fois convaincant et robuste. Son talent en tant que directeur d’acteurs brille, propulsant sur le devant de la scène un jeune Aaron Taylor-Johnson et une juvénile Chloë Grace Moretz. Face à ce succès, le cinéaste se tourne vers une nouvelle licence à adapter : Kingsman. Initialement une bande dessinée d’espionnage à la James Bond, teintée de l’audace et de l’irrévérence du pulp, cette adaptation est un triomphe, donnant naissance à deux opus et à un préquel de qualité indéniable, même si le défaut majeur du cinéaste, à savoir la scénarisation, commence à se faire sentir de plus en plus. C’est alors qu’il se lance dans la création d’une licence originale, baptisée Argylle. Cette histoire narre les péripéties d’une romancière spécialisée dans les récits d’espionnage, dont les écrits semblent curieusement se matérialiser dans la réalité. Prise dans une spirale infernale de complots, de mémoires effacées et de scènes d’action parfois hésitantes.

Copyright Universal Pictures

Soyons francs dès le départ : Argylle ne met pas en lumière les talents narratifs de son réalisateur. Le scénario de Jason Fuchs, bien que contenant quelques retournements de situation habilement agencés, peine à captiver par sa platitude. Bryce Dallas Howard, interprétant une romancière propulsée dans un monde qui la dépasse, parvient tout juste à sauver l’intrigue de l’insipidité. Malgré des moments de sur-jeu, l’ensemble du casting semble profondément investi dans son rôle, ce qui préserve le film de l’ennui abyssal. Néanmoins, il convient de saluer les prestations remarquables d’Henry Cavill et de John Cena, bien que peu présents à l’écran, qui livrent une parodie d’espion hors normes, offrant ainsi des instants de comédie authentique.

Si l’intrigue et le scénario se révèlent d’une platitude affligeante, proposant une version diluée de l’univers Kingsman, les effets spéciaux du film oscillent entre l’extravagance amusante et la médiocrité gênante. Cependant, un pacte secret semble se nouer avec le spectateur. Matthew Vaughn possède un talent indiscutable, qu’il a développé depuis Kick-Ass : la création d’une expérience de divertissement pur. Lorsque les effets spéciaux se font trop voyants ou tirés par les cheveux, le film conclut tacitement un accord, jonglant habilement entre deux réalités, celle de la fiction et celle du monde réel. En retour, le public pardonne ces éclats tapageurs ; puisque dans toutes les séquences ancrées dans la réalité des personnages, les scènes d’action demeurent impressionnantes. Fort de son expérience, le réalisateur a su forger son style pour sublimer les affrontements, s’amusant manifestement dans ce projet. À titre d’exemple, la scène de combat dans un brouillard de fumée témoigne d’une direction artistique audacieuse conférant une identité à la séquence. En fusionnant la danse et le combat, le metteur en scène révèle sa maîtrise de la mise en scène d’une confrontation cinématographique, établissant un lien subtil entre la chorégraphie de combat et celle de la danse. De plus, il déploie ses mouvements de caméra caractéristiques, plongeant le spectateur au cœur de l’action. Esquives, coups, la caméra suit les personnages de près, insufflant une dimension divertissante aux séquences d’action.

Copyright Universal Pictures

Regrettablement, ce savoir-faire technique au sein des scènes d’action est terni par une confusion persistante dans les séquences narratives. Erreurs de continuité manifestes ou encore problèmes de cadrage, tous ces éléments s’ajoutent aux lacunes du scénario. Argylle atteint son apogée lorsqu’il abandonne toute exigence intellectuelle. Ce divertissement mentionné ci-dessus reflète une véritable volonté d’expérimentation. Si seulement cette audace s’était traduite par un scénario plus riche que la simple quête d’un MacGuffin et par une réalisation plus méticuleuse… Vaughn aurait pu insuffler un vent de fraîcheur, s’éloignant ainsi des sagas qui l’ont propulsé au sommet. Toutefois, la décision de fusionner cet univers avec celui de Kingsman demeure un mystère énigmatique.

Le long-métrage se clôture sur un cliffhanger intégrant le personnage fictif d’Argylle au sein des Kingsman. Tout au long du récit, il est martelé qu’il n’est qu’une création du personnage principal, une entité imaginaire. Cette séquence contredit la trame narrative du film. En plus d’introduire une incohérence supplémentaire, elle ébranle l’univers même de Kingsman. Cependant, la présence d’Henry Cavill, qui offre une performance sincère et touchante, confère une affection particulière à cette idée, même si elle s’éloigne de l’intrigue originale d’Argylle. De plus, le film réutilise les mêmes acteurs du premier Kingsman dans des rôles différents, malgré quelques indices révélateurs de l’appartenance à un même univers, tels qu’un mug “Statesman” aperçu brièvement ou les liens entre la base secrète du personnage de Samuel L. Jackson et la conception d’une boisson alcoolisée. Toutefois, ces éléments auraient dû rester au stade de clins d’œil, sans altérer la création d’une nouvelle franchise.

Cette scène finale, à la fois paradoxale et intrigante, soulève la question suivante : est-ce la volonté du studio ou celle de Matthew Vaughn ? En fin de compte, Argylle demeure un divertissement acceptable, ponctué de brillantes mises en scène et de performances d’acteurs salvatrices. Cependant, le film pâtit d’un scénario bâclé et d’effets spéciaux inégaux. Le point fort demeure la mise en scène de Vaughn et ses éclairs de génie lors des combats. Dans l’ensemble, il est difficile d’ignorer que le cliffhanger final mériterait d’être supprimé, jetant ainsi une ombre sombre sur la trajectoire de Vaughn autour de Kingsman, qui, autrefois prometteuse, semble désormais teintée d’une inquiétante obscurité.

Argylle de Matthew Vaughn, 2h20, avec Bryce Dallas Howard, Sam Rockwell, Henry Cavill – Au cinéma le 31 janvier 2024

4/10
Total Score
  • JACK
    4/10 Passable
    Les mimiques de Bryce Dallas Howard sont certes charmantes, elles ne font oublier le triste fait que Matthew Vaughn a perdu sa flamme : avec Argylle, comédie d'espionnage qui se hurle maligne, ce dernier cherche péniblement à rallumer le génie des précédentes.
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