Il y a un moment dans les premières minutes d’Amsterdam où l’on réalise que les personnages ne vont jamais s’arrêter de parler. Même lorsque tous les personnages de la scène ont la bouche fermée, il y a de la narration. Parfois, la narration est une exposition longue, inutile et envahissante, et d’autres fois, ce sont les observation nombrilistes et solennels d’un ou plusieurs personnages. C’est tellement étouffant, non seulement pour nous mais aussi pour l’histoire.
Il y a tellement de dialogues que rien d’autre ne passe. Aucune action n’a d’impact, car dès que quelque chose se passe, ils prennent une autre tangente ou font quelque chose de différent à côté. Il y a tellement de dialogues que certaines conversations sont complètement absurdes, et pas de manière amusante. Par exemple, les deux inspecteurs de police qui traquent Bert (Christian Bale) et Harold (John David Washingon) sont venus au bureau de Bert. Bert passe d’une partie de son bureau où il répétait une chanson, à la partie centrale de son bureau où il parle aux détectives, à une partie plus privée de son bureau où il parle avec l’infirmière de l’autopsie, Irma (Zoe Saldaña). Pendant que Bert parle à Irma et que tous deux passent un moment tranquille, les deux détectives entament soudainement une conversation. Les deux scènes sont entrecoupées, confuses et se terminent par une gifle de Béatrice (Andrea Riseborough), la femme de Bert, qui n’a pas été arrêtée par les deux détectives et ne les a pas interrompus d’une manière ou d’une autre.
Ce “en quelque sorte” résume beaucoup d’Amsterdam. L’intrigue est tellement alambiquée que même lorsque quelque chose se détache du bourdonnement continu et constant des voix, il faut plusieurs secondes pour réaliser que c’était la chose importante dans la cacophonie. D’une certaine manière, ces personnages se mettent en place. Après le troisième monologue à moitié formé sur l’amour et l’amitié, on se demande si David O. Russell a combiné plusieurs brouillons différents et est parti tourner sans se soucier de la façon dont le tout se déroule concrètement. Il n’a en tout cas pas semblé tenir compte du talent artistique de l’un de ses collègues.
Le directeur de la photographie Emmanuel Lubezki a un style facile à reconnaître. Il privilégie les longues prises de vue et les gros plans poussés à l’extrême avec un éclairage naturel. Rien de tout cela ne s’accorde avec le scénario frénétique et en perpétuel mouvement de Russell. Il semble que Lubezki ait tenté certains de ses trucs les plus connus, mais les plans ont été mis en pièces par Russell et le monteur Jay Cassidy. Le film est tellement découpé qu’il y a des plans focalisés sur des objets anodins qui doivent signifier quelque chose et des panoramiques qui auraient dû relier un interlocuteur à ce qu’il voyait, mais qui ont été coupés de façon à ce que la caméra arrive un moment trop tard pour qu’elle puisse se poser. C’est comme si Russell ne faisait pas confiance aux techniques de Lubezki pour laisser son scénario se développer dans l’instant. Même les moments qui sont censés être des rêveries frivoles et joyeuses sont découpés en pâles imitations des travaux précédents de Lubezki avec des réalisateurs comme Terrence Malick et Alejandro G. Iñárritu.
La seule chose qui fonctionne dans ce film, c’est les maquillages. Les cicatrices, les yeux de verre et les prothèses que les gens portent sont incroyablement bien faits et donnent à chaque personnage un aspect unique et usé. Le plus maquillé est bien sûr le caméléon Christian Bale. Bale fait le maximum avec le peu qui lui est donné pour son personnage. Il se transforme si complètement qu’on souhaiterait que sa performance appartienne à un bien meilleur personnage qui lui permettrait d’avoir beaucoup plus de profondeur. Il est possible que David O. Russell ait toujours été un cinéaste de seconde zone et que nous nous soyons laissés convaincre par ces films sortis dans les années 2010 parce que nous étions aveuglés par le jeu de ses acteurs. Il est peut-être temps de réévaluer ces films pour voir si les lacunes étaient là depuis le début.
Amsterdam ne sera certainement pas un come-back. Ce ne sera pas non plus un film que les gens mentionnent lorsqu’ils évoquent l’ensemble de la carrière de Russell et le titre ne sera certainement pas mentionné autant que les personnages de ce film le disent et le répètent. Amsterdam est un bruit et rien de plus.
⭐⭐
Note : 1.5 sur 5.Amsterdam au cinéma le 1er novembre 2022.