Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les films d’horreur ne vous font plus peur ? Pourquoi, peu importe ce que vous regardez dans le cinéma d’horreur populaire, vous ressentez un profond ennui ? Cette constatation amène à se questionner sur la répétitivité des films d’horreur au cinéma, tant au niveau de leur narration que de leur mise en scène. Cette répétition des schémas narratifs et visuels contribue à l’essoufflement du genre, privant ainsi les spectateurs de l’expérience terrifiante et immersive qu’ils recherchent.
ET ON DÉMARRE UNE AUTRE HISTOIRE
Il est frappant de constater que de nombreux films d’horreur se ressemblent dans leur structure narrative. Ils débutent généralement dans une maison, où une fillette est confrontée à quelque chose d’anormal dans sa chambre. Malheureusement, personne ne la croit lorsqu’elle raconte son expérience, et elle vit souvent dans une famille dysfonctionnelle, endeuillée ou cachant un lourd secret. La protagoniste, ou une ancienne victime de cette entité surnaturelle, est souvent amenée à consulter un psy plus ou moins compétent et bizarre. Les événements effrayants se déroulent principalement dans l’obscurité, lorsque la victime est vulnérable. Au fur et à mesure que l’histoire avance, la menace surnaturelle est révélée de manière de plus en plus explicite, que ce soit par des mythes religieux, des légendes antiques ou des apparitions de plus en plus visuelles. Finalement, le film se termine par un affrontement rituel entre la famille et l’entité, souvent sauvée par un deus ex machina.
Il est intéressant de noter que la répétitivité dans les films d’horreur trouve ses racines dans les années 80, une époque marquée par la prolifération de suites aux classiques du genre. Des sagas emblématiques telles que Freddy ont été contraintes de respecter un cahier des charges narratif similaire afin de satisfaire les attentes des fans et de préserver l’intégrité de la franchise. Cette approche a contribué à l’établissement de schémas récurrents, beaucoup plus prononcés, qui perdurent encore aujourd’hui, limitant ainsi l’originalité et la surprise dans les films d’horreur contemporains. Ces dernières années retrouve cela dans de nombreuses grosses productions, notamment celles produites par des sociétés comme Blumhouse. Qu’il s’agisse d’adaptations de Stephen King, d’histoires vraies ou d’histoires originales, ces films se conforment aux mêmes conventions narratives.
ATTENTION DERRIÈRE TOI C’EST AFFREUX !
Outre la narration, la mise en scène des films d’horreur est également trop souvent similaire. On retrouve des plans sur de grandes maisons, un aspect huis clos où les personnages ne sortent que très rarement à l’extérieur, des travellings lents dans toutes les directions, des gros plans sur les protagonistes avec la menace en arrière-plan, souvent dans l’obscurité ou dans l’ombre. Les bandes sonores génériques sont basées sur des pulsations de cœur ou des mélodies instrumentales sombres, et les bruits ambiants sont souvent assourdissants.
Ce schéma visuel et sonore, qu’il s’agisse de films d’horreur réalisés par des yes-men ou de réalisateurs/auteurs passionnés travaillant pour de grandes sociétés de production, reste toujours le même. Le problème de cette répétition, tant narrative que visuelle, est qu’elle crée une sensation de routine chez les spectateurs. Ils anticipent ce qui va se passer dans les cinq prochaines minutes dès qu’un enjeu est introduit, voire la conclusion de l’histoire après le premier acte. On n’a plus peur car nous connaissons les menaces avant même de les connaître.
HACKER DECODEUR
Toute cette réflexion a pris naissance après avoir découvert le film Le Croque-Mitaine de Rob Savage (qui a été plutôt bien accueilli par mon collègue Enzo, ce qui me laisse perplexe), un film qui incarne parfaitement tout ce que je reproche ci-dessus. C’est à la fois lassant et d’un ennui mortel, d’autant plus lorsque l’on ajoute la stupidité des personnages et le fait que le film ne soit pas une adaptation de la nouvelle de Stephen King, mais uniquement du monstre.
Heureusement, il existe des réalisateurs qui parviennent à sortir des sentiers battus et à apporter un souffle de fraîcheur au genre. James Wan, par exemple, déjoue tous les codes établis avec les deux films Conjuring, qui sont devenus des références du genre. Son dernier film, Malignant, est un chef-d’œuvre à la fois nanardesque et culte. Robert Eggers, quant à lui, pose sa caméra de manière différente pour créer une horreur plus resserrée, menaçante et claustrophobe avec The Witch. Ari Aster sort également des carcans habituels en réalisant Midsommar, un film d’horreur diablement paranoïaque et schizophrénique qui se déroule quasi-entièrement de jour. Keith Thomas, malgré son échec avec l’adaptation de Firestarter, réussit à déjouer les attentes avec une mise en scène beaucoup plus subtile et à contre-courant dans The Vigil.
Il convient toutefois de souligner que ces réalisateurs novateurs s’inspirent eux-mêmes de mouvements cinématographiques antérieurs, remontant même aux années 60 et bien avant. L’elevated horror, acclamé pour sa créativité et son originalité, puise ses racines dans des films expérimentaux tels que La Sorcellerie à travers les âges ou Nosferatu. Ainsi, l’hommage rendu à ces œuvres pionnières du cinéma d’horreur démontre que la recherche d’une narration et d’une esthétique hors normes ne se limite pas à une époque ou à une génération spécifique, mais constitue plutôt un continuum de l’innovation artistique qui se perpétue au fil du temps.
Cependant, ces exceptions restent trop rares parmi la masse de films d’horreur répétitifs qui inondent les salles – que ce soit l’affligeant L’Exorciste du Vatican ou le tout à fait banal L’Emprise du démon. Pour trouver des expériences cinématographiques véritablement effrayantes, il est nécessaire de chercher dans des productions indépendantes, expérimentales ou simplement surprenantes. Par exemple, les films Beau Is Afraid ou L’Amour et les Forêts ont réussi à susciter davantage de peur que tous les films d’horreur récemment visionnés, que ce soit à cause d’une baignoire ou de la perversité de Melvil Poupaud.
Il existe encore de l’espoir pour le cinéma d’horreur, mais il faut chercher au-delà des productions mainstream. Il faut explorer les films indépendants, les réalisateurs audacieux et les expérimentations cinématographiques pour retrouver l’authenticité, la surprise et la terreur qui font la substance du genre. Les spectateurs doivent être prêts à sortir des sentiers battus et à ne pas se contenter de la répétition et de la routine. En prenant le risque de découvrir des films d’horreur différents, ils pourront retrouver l’excitation et la peur qui ont pu se perdre au fil des productions formatées et prévisibles. Le cinéma d’horreur mérite d’être renouvelé pour offrir de nouvelles expériences terrifiantes et captivantes.
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