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[TOP] Glass Onion, 10 couches de whodunit

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Par Enzo Durand

Avec Murder Mystery 2 cette semaine sur Netflix, Scream VI encore en salles et Glass Onion : Une histoire à couteaux tirés récemment, le genre du whodunit semble encore et toujours à la mode. Vous pouvez retrouver nos avis sur ces films récents, mais nous souhaitions en profiter pour revenir sur nos whodunits préférés et dans le même temps définir ce qui caractérise ce genre. Alors bien évidemment certains codes sont obligatoires pour un whodunit : un lieu marquant (ou original) dans lequel va être trouvé un (ou plusieurs) cadavres. Et c’est ainsi que le long-métrage commence avec un (ou plusieurs) enquêteurs qui viennent interroger des individus, tous plus suspects les uns que les autres. Là où le genre fonctionne autant c’est qu’il peut se rapprocher du polar et du thriller en montrant les faces les plus sombres de l’humanité, et donc effrayer le public. Mais c’est également un genre qui sait impliquer ses spectateurs par l’humour et donc les mettre à la place de l’enquêteur. Des films qui savent être aussi ludiques que mystérieux, aussi drôles que terrifiants et donc des long-métrages parfaits pour vos soirées cinéma. Retour sur notre top 10 de ces œuvres, alors sortez votre imper, mettez votre casquette et enquêtez avec nous pour découvrir quel est le meilleur whodunit.

10. Zodiac (2007) – David Fincher

Lorsqu’on parle de thrillers américains un nom revient souvent dans les discussions : David Fincher. Il faut dire qu’en termes de pseudo-whodunits il en connait un rayon, pour avoir traité le sujet de différentes manières avec Alien 3 (1992), Se7en (1995), Millenium (2011), Gone Girl (2014) et bien sûr Mindhunter (2017-2019). Mais son œuvre qui se rapproche le plus d’un whodunit c’est Zodiac, polar dans lequel plusieurs archétypes du polar (journalistes, reporters et policiers) se lancent à la poursuite d’un tueur en série énigmatique laissant derrière lui scènes macabres et messages cryptiques. Ici le style de Fincher est poussé au maximum avec une enquête se déroulant dans des environnements qui n’imite pas le réel mais le modifie sans cesse, pour exercer un contrôle sur le monde. Une manière de s’intéresser au whodunit qui insiste donc sur l’importance de rendre les suspects … suspect mais également sur l’importance de créer une obsession. Obsession des investigateurs bien sûr mais également des spectateurs sur l’intrigue, et donc révélatrice d’une certaine manière des intérêts de Fincher. Avec Zodiac, le whodunit n’a jamais été aussi mystérieux au point de ne pas avoir de conclusion complète.

09. La nuit du 12 (2022) – Dominik Moll / Memories of Murder (2003) – Bong Joon-Ho

L’une des thématiques récurrentes de ce genre de film, c’est donc l’obsession. Un moyen de jouer sur des thèmes revenus régulièrement dans ce genre comme la paranoïa et la perte de repères bien sûr, mais aussi un outil pour impliquer le spectateur dans des enquêtes tortueuses. Avec ces deux films ex-aequo, français pour l’un et coréen pour l’autre, on remarque que la structure narrative du whodunit suit souvent le même processus. Ici les films, d’ailleurs adaptés de faits réels, commencent par des meurtres sordides avant de suivre un schéma simple : les enquêteurs interrogent de nombreux suspects, s’embourbent dans des fausses pistes et doivent lutter contre un tueur machiavélique, une hiérarchie dysfonctionnelle et des pressions intérieures. Ce type de structure narrative nous permet de nous rendre compte d’un élément important pour comprendre ces longs-métrages : ce qui lie les scènes entre elles, et donc le plus important, ce n’est ni l’identité de l’assassin, ni les victimes mais simplement la personnalité des enquêteurs. Ce qui rend ces films aussi marquants malgré le pessimisme et le désespoir ambiant c’est justement l’abnégation et le courage dont les détectives font preuve pour faire éclater la vérité. Même dans leurs échecs, utiles pour déjouer les attentes des spectateurs.

08. Scream (1996) – Wes Craven

On évoquait précédemment l’idée de déjouer les attentes, un moyen intéressant de renouveler le genre du whodunit qui existe pourtant depuis les années 1900 (d’abord littérairement puis cinématographiquement dans les années 1930). Scream est un grand représentant de ce genre, tout d’abord car il pose rapidement et clairement les attentes à détourner : un slasher classique. Il y a des archétypes de lycéens qui se font massacrer par un tueur masqué au look atypique et c’est à peu près tout ce qu’on attend d’un bon slasher. Pourtant ici en quelques détails Craven (réalisateur de grands classiques d’horreur comme La colline a des yeux ou Freddy les griffes de la nuit) va renverser les attentes des spectateurs et donc transformer un slasher en un whodunit. D’un film d’horreur à un film d’enquête. Dans les slashers classiques comme Halloween ou Vendredi 13, les boogeymans/ assassins portent des masques pour des raisons esthétiques tandis qu’ici Ghostface utilise son costume pour masquer son identité. Ce meurtrier cinéphile va donc jouer avec les attentes de ses victimes cinéphiles elles-aussi qui ont donc grâce au cinéma des moyens de le combattre. En utilisant leurs connaissances sur le 7ème art, les personnages peuvent donc se lancer à la recherche de l’identité de l’assassin, dans le même temps que les spectateurs.

07. Cluedo (1985) – Jonathan Lynn

Comment évoquer le whodunit sans parler de Cluedo, le jeu le plus représentatif de ce genre. Des jeux (de société ou vidéos) qui reprennent les codes et les clichés de ce genre il en existe beaucoup et on vous recommande chaudement Heavy Rain et The Wolf Among Us. Mais il faut bien avouer que le plus célèbre de ces divertissements ludiques c’est le Cluedo, jeu d’enquête avec ses cultes Colonel Moutarde, Madame Blanche ou Professeur Violet. Il en existe donc une adaptation cinématographique réalisé par Jonathan Lynn qui transcrit parfaitement l’ambiance du Cluedo sur grand écran. On vous le recommande autant car c’est tout simplement un quasi-exploit d’adapter un jeu de société (et même jeu vidéo) de manière aussi fidèle dans les salles sombres. Et s’il domine les adaptations de jeux c’est tout simplement car il comprend ce qui fait tout le plaisir de cette enquête. Les personnages cultes, les nombreux retournements de situations, le suspens jusqu’au bout et même plus encore car le film possède trois fins différentes. En effet, en 1985 le studio envoie donc trois fins différentes aux cinémas partout dans le monde, ainsi quand vous visionnez le film vous ne savez pas à quelle fin vous allez assister. Le whodunit atteint donc un de ses plus hauts niveaux, à un point tel que le mystère perdure après la séance.

06. Fenêtre sur cour (1954) – Alfred Hitchcock

On présente plus ce grand film qu’est Fenêtre sur cour mais on va justement essayer de comprendre ce que l’on appelle un « grand film ».  Lorsque l’on prend chacun des aspects de ce long-métrage, les uns après les autres, on se rend compte de l’immensité de ce film. Ses acteurs remarquables, sa musique (intra-diégétique d’ailleurs) qui complète parfaitement les dialogues superbement écrit sans oublier la mise en scène intelligente d’Hitchcock, le roi du suspens. Alors certes ma dernière phrase peut vous sembler insupportable tant les adjectifs aussi positifs peuvent sembler indigents, mais c’est important de le préciser quand un film est grand (donc influent). Si on vous le conseille particulièrement aujourd’hui c’est également car il se différencie des autres whodunit de ce classement, tout d’abord car il n’est pas un « Who has done it ? » vu que l’intérêt du film ne consiste pas à trouver qui est le coupable mais plutôt à savoir ce qu’il a fait, comment et pourquoi. Avec cette différence fondamentale Hitchcock va donc se concentrer non pas sur les suspects mais sur les personnages secondaires entourant le protagoniste et l’antagoniste. Un effet qui les rend tous uniques comiques, l’humour étant une composante importante de ce genre il nous semblait important d’insister dessus.

05. The Third Man (1949) – Carol Reed

Le troisième homme est un grand film noir, mêlant espionnage et whodunit, réalisé par Carol Reed mais surtout scénarisé par l’immense écrivain britannique Graham Greene. Ce littéraire, ancien agent des services secrets britanniques, est considéré comme l’un des maitres des romans à suspens anglais, ce qui confie au scénario une complexité intéressante. Les whodunit sont des œuvres amusantes et ludiques mais qui reposent sur une structure forcément tortueuse. Il faut des retournements de situation, des séquences ambiguës et forcément un peu de mensonges pour jouer avec l’esprit du spectateur. C’est donc sur ce principe que repose The Third Man en revenant aux origines du cinéma : des illusions et des trompes l’œil. Une enquête qui prend une direction politique intéressante lorsque l’on observe le cadre choisi, qui est important dans ce genre d’œuvre, et la date de sortie du long-métrage. The Third Man sort en 1949 et se déroule quasi contemporainement, dans un Vienne divisé entre plusieurs nations. Le genre du whodunit est ici parfait car il rend une période troublée encore bien plus floue, lorsque les suspects et les victimes se mélangent. Alors certes l’œuvre semble avoir pris quelques rides, mais c’est justement l’une de ses grandes forces : représenter parfaitement son époque en utilisant les codes du whodunit. Et puis rien que pour Orson Welles qui navigue entre victime innocente et suspect machiavélique on vous conseille de vous ruer vers The Third Man.

04. Les Huit Salopards (2016) – Quentin Tarantino

Un chalet isolé et enneigé. Huit personnages délirants. Toutes les conditions sont réunies pour créer un whodunit parfait à l’exception d’une chose : il n’y a pas de victime. Du moins pas encore, car elle est là toute la subtilité de Tarantino : ici l’objectif n’est pas de trouver qui a commis le crime, mais qui va le commettre. Une tension maximale jusqu’à son explosion sanglante, des inspirations allant du huis-clos au western et bien évidemment des dialogues immédiatement culte : c’est un grand oui de notre côté. Mais surtout ce huitième long-métrage de Tarantino est probablement l’un des whodunits les plus méta, tout simplement car il joue avec les spectateurs jusque dans son titre : Les Huit Salopards. Sont-ils réellement tous des salopards et surtout sont-ils seulement huit au fin fond de ce blizzard ? Vous savez déjà comment répondre à ces questions, amusez-vous bien avec cette excellente œuvre représentative de ce genre et bien d’autres, comme quoi Tarantino ne se contente pas de prendre des références, mais plutôt de les détourner.

03. Wind River (2017) – Taylor Sheridan

On commence notre podium avec une autre œuvre se déroulant dans la neige et le sang : Wind River de Taylor Sheridan. Ce scénariste des deux films Sicario et Commancheria se sert donc de son expérience pour créer une ambiance malsaine au cœur de l’Alaska. Alors que cette œuvre se déroule comme un whodunit classique mais efficace, elle va vous surprendre en possédant une des fusillades les plus violentes que le cinéma américain a créé. Des scènes mémorables, des acteurs talentueux (Elizabeth Olsen en tête mais également Jeremy Renner et Jon Bernthal) et bien sûr un suspense haletant : tant de raisons de vous conseiller cette excursion glaciale. Mais surtout ce néo-whodunit est un brillant hommage aux classiques du genre, notamment en redonnant plus d’importance aux personnages et à ce qui les caractérise. Une douce manière de se rendre compte que le whodunit ne meurt jamais : il se renouvelle constamment et semble donc éternellement contemporain. Ses rides, ses signes de vieillesse, le rendent justement plus vivant que jamais : seuls les morts ne vieillissent pas après tout.

02. Qui veut la peau de Roger Rabbit ? (1988) – Robert Zemeckis

Dans un monde ou les Toons et les humains cohabitent, un assassinat menace de rompre cette entente tranquille : c’est de ce postulat que part cet excellent, et surprenant, whodunit dans lequel de nombreux clichés cohabitent. Un détective privé arpente les ruelles d’un Los Angeles des années 40, errant entre interrogatoires, poursuites et recherche d’indices : tout rappelle les origines littéraires de ce genre mais avec un détail cette fois-ci : l’ajout des cartoons. Zemeckis utilise, comme à son habitude, les avancées technologiques pour renouveler son cinéma. Avec ce long-métrage, le trente-quatrième des studios Disney, il mélange donc prises de vues réelles et animations, soit deux univers qui cohabitent parfaitement : tout comme le film noir cohabite avec l’humour pour créer le whodunit. On est loin d’un simple hommage, le film étant novateur sur bien des points : technologique bien sûr mais également narratif avec sa merveilleuse idée de faire abstraction de toute logique ou retournements de situation compréhensible. Ici les séquences s’enchaînent avec une fluidité impressionnante, parfois sans rapports directs, pour nous faire ressentir le tourbillon d’événements que vivent les toons : Zemeckis ne brise pas les règles du whodunit, il en crée simplement d’autres. Après tout c’est bien là le destin de tous les genres au cinéma, évoluer encore et encore. C’est d’ailleurs ce qui rend leur étude passionnante : l’évolution d’un seul genre nous révèle des informations captivantes sur l’ensemble du 7ème art.

01. Un cadavre au dessert (1976) – Robert Moore

Cinq détectives réunis dans un manoir intriguant pour résoudre un meurtre … avant qu’il se produise. C’est de ce pitch classique que part Un cadavre au dessert où Un cadavre au dessert en version française. Derrière son aspect vu et revu se cache pourtant l’un des chefs-d’œuvre de ces films d’enquêtes auquel on s’intéresse tant dans ces lignes. Avec son casting d’exception et ses multiples retournements de situation, c’est une œuvre parfaite à découvrir seul ou avec des amis. Ludique mais aussi méta, elle se joue des codes du genre pour surprendre les spectateurs, et même parfois se moquer tendrement de leurs attentes. À travers ce top, nous avons essayé de faire un tour d’horizon des différents stéréotypes d’un genre en constante évolution, pour en cerner les contours mais surtout pour donner envie d’en découvrir plus. Bien sûr nous aurions pu parler de tant d’autres œuvres comme Watchmen, Basic Instinct ou encore Hot Fuzz mais ce qui nous semblait intéressant ici c’était de créer une cartographie des bases du whodunit. Alors quoi de mieux pour terminer ce top que de conseiller un film à la fois classique et intemporel.

Enzo Durand

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