[CRITIQUE] Scream VI – Saloperie de franchise !

Scream est une de mes franchises horrifiques préférées, notamment car c’est une saga qui à toujours su se renouveler avec intelligence tout en continuant à parler de cinéma. Et si vous regardez le nom de ce site vous comprenez vite que papoter de cinéma, ça nous parle justement. Les trois premiers longs-métrages de la saga ont su avoir un discours méta à la fois pertinent et moderne, ce qui à relancé tout le genre du slasher. Mais à partir du quatrième film la série s’est justement enfermée dans ce qu’elle critique : les franchises. Et le cinquième (une sorte de reboot-sequel) sorti l’année dernière a confirmé la triste direction que prend la série. Nous avons bien sûr essayé de la défendre mais cette fois ci avec Scream 6 la situation est encore critique. Nous comptions sur ce volet pour renouveler la saga, ou au moins être un plaisir coupable, mais sans Wes Craven à la barre tout s’effondre. Il faut dire qu’un film qui commence par littéralement cette réplique : « Qu’est ce qu’on en a à foutre des films ? » ne pouvait que nous décevoir. Et puisqu’on parle de dialogues j’ai souhaité souligner l’une des répliques du film, qui a le privilège d’être le titre de ce papier : Saloperie de franchise !

Heat (1995) Michael Mann – © Paramount Pictures

Ce nouvel épisode à New York est donc la suite quasi-direct du cinquième film, dont il reprend le casting principal avec Melissa Barrera et Jenna Ortega, et également le retour d’acteurs culte de la franchise comme Courteney Cox. Le personnage principal de la saga, Sydney Prescott n’est pas de retour pour cet épisode car l’actrice Neve Campbell à refusé son salaire, qu’elle jugeait trop faible. Ce personnage, au cœur des cinq films précédents, est donc évacué en une phrase laissant entendre qu’elle a enfin son happy end. Une décision extrêmement cynique et qui rappelle la victoire de l’argent sur l’art à Hollywood. En partie à cause des franchises justement. Le casting technique du film précédent est de retour avec notamment le duo de réalisateurs Tyler Gilett et Matt Betinelli-Olpin. On les connait pour leur très beau segment sur 666 road et V/H/S mais également pour le maitrisé et inventif Wedding Nightmare avec Samara Weaving (qui fait une apparition dans ce Scream). Le duo de scénaristes James Vanderbilt (Zodiac et The Amazing Spider-Man 1 et 2) et Guy Busick sont également de retour pour assurer une continuité narrative.

Un des aspects les plus importants (et les plus ennuyants pour cette épisode) c’est le côté méta des Scream. Ce sont donc des films qui parlent de films. On connait les clichés du genre, et par-dessus tous les personnages connaissent également ces archétypes. On s’attend donc à ce que ce nouveau volet joue avec les codes du slasher et se réinvente une fois de plus. Pourtant le film est prévisible et même fainéant dans sa manière de jouer avec les codes de ce genre. Il énonce (très peu subtilement) à plusieurs reprises les défauts des films franchisés avant de reproduire ces mêmes erreurs, comme le fait de rendre les protagonistes invincibles ou de tout vouloir relier aux films précédents. Pour un film qui critique les suites non subtiles c’est risqué de reproduire le même discours lourd et sur explicité. Nous ne vous recommandons pas ce nouvel épisode de la saga, et nous sommes affligés de devoir nous contenter de ce « film » créé probablement par une intelligence artificielle.

Pour une fois porter un masque dans le métro est dangereux – © Paramount Pictures

Bon normalement là vous avez compris qu’en tant que fan de la saga on ne vous recommande pas ce nouvel opus, pourtant il y a quelques éléments corrects qui peuvent vous plaire si vous souhaitez vous détendre devant un slasher « correct ». Si vous arrivez à passer outre le twist prévisible et le climax surjoué bien sûr. Scream 6 réussit lors de deux ou trois séquences à créer un climat de peur. Tous les éléments cinématographiques sont utilisés pour créer du suspens, notamment en jouant de l’ironie dramatique pour nous révéler ce que les personnages ne savent pas encore. L’idée est excellente, et c’est d’ailleurs la base du suspense selon Hitchcock, dans ses entretiens avec Truffaut : « Première possibilité : Cacher une bombe sous une table au-dessus de laquelle se déroule une conversation anodine. La bombe explose. Cela cause deux minutes fugaces de surprise. Deuxième possibilité : placer une bombe à retardement au vu et au su du public. La conversation devient alors insupportable. Il est essentiel que le public soit informé, mis dans la confidence de façon claire pour éprouver des émotions et non se perdre dans la confusion. ». Mais encore une fois le film n’utilise jamais son plein potentiel et ces séquences se terminent souvent par des dialogues ratés laissant une grande place au goofy. Dorénavant Scary Movie inspire Scream.

L’autre idée intéressante (mais peu utilisée) est bien sûr le changement de cadre, déplacer les Scream de Woodsborow à New York. Le métro, les immeubles, la foule ou encore les superettes : le duo de réalisateurs essaye au maximum de tirer potentiel de ce nouveau cadre mais sans jamais réussir pleinement. On en sort en ayant l’impression que New York n’est qu’un arrière plan interchangeable (ce qui est d’ailleurs le cas, le film étant tourné à Montréal pour des raisons pécuniaires). C’est quoi la saga Scream en 2023 ? Ce sixième film échoue à réinventer le slasher, mais également à renouveler l’intérêt pour sa propre franchise. Alors oui on peut lui trouver quelques idées réussies par-ci par-là mais il faut bien avouer qu’avoir des espérances aussi basses pour la franchise qui a renouvelé tout un genre c’est assez triste. Un septième volet est prévu pour début 2024, probablement par la même équipe technique ce qui ne nous laisse guère penser au renouveau espéré. Ghostface a finit par assassiner ses propres films.

Scream VI de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett, 2h02, avec Melissa Barrera, Courteney Cox, Jenna Ortega – Au cinéma le 8 mars 2023

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