[REVIOWZ] The House (Skinamarink) – Anormal Activity

En 2015, Kyle Edward Ball, youtubeur à succès, publie des vidéos dans lesquelles il met en scène les cauchemars de ses abonnés. Le résultat dure quelques minutes et se compose d’images en mauvaises qualités, d’un scénario réduit au strict minimum et d’une tension qui se jour sur l’expérimental. Ce que créer cet artiste se rapproche en effet bien plus de l’art vidéo que du cinéma à proprement parler. Pourtant, il tente constamment de se rapprocher plus du médium qui le fait rêver, le septième art. Il en fait donc un moyen-métrage, Heck, puis une version plus longue et aboutie : The House, ou Skinamarink. Cette version reprend les thèmes des courts-métrages mais en les étirant de plus en plus, ce qui dilate l’effet expérimental jusqu’à l’écœurement. Ce mélange étonnant fait le tour des festivals nord-américain jusqu’à ce qu’il soit malheureusement piraté et distribué sur les sites de streaming illégaux. Or, cette malchance va se transformer en coup de promotion inattendu pour le film. En effet, le long-métrage bénéficie de toute la mode autour des « Lost Medias », des « Backrooms » et bien sûr des « found-footage ». A la croisée entre tout ces genres, à la fois d’internet et du cinéma, The House va donc jouer sur cette frontière floue entre réalité et fiction, pour conquérir un public ensuite dans les salles américaines. L’histoire de cet O.V.N.I de seulement 15.000 dollars est donc passionnante, mais le résultat final, disponible sur Shadowz en France, est-il tout autant captivant ?

Avant de lancer The House, l’auteur de ces lignes était méfiant. En effet les nombreux retours laissent penser que le film n’est que l’aboutissement d’une chaine youtube, se drapant d’un joli marketing. Et très vite, durant les 20 premières minutes, les pires craintes se réalisent : son étouffé, lumière faible et surtout seulement quelques objets dans le cadre. Skinamarink ne reprend que le concept de ses courts-métrages originaux mais dans une version longue. Mais c’est là que tout l’intérêt se retrouve, en étendant le temps Kyle Edward Ball va créer, involontairement ou non, une expérience marquante. Deux choix s’offrent alors au spectateur : soit il ne rentre pas dans le film et s’ennuie à mourir pendant 1h30, soit au contraire il se retrouver à jouer le jeu de The House. En somme, faire attention au moindre changement sonore, aux objets se déplaçant de quelques centimètres, à un changement de luminosité ou de cadre indiquant une étrangeté à venir et même à essayer de comprendre la logique de tout cela.

La longueur de ce temps devient alors un objet de réflexionnant passionnant qui nous pousse dans un ennui étrange. On entre dans une forme de douce transe, qui rappelle les sensations d’un rêve. La peur ne se joue plus sur du body-horror, sur des screamers ou autres artifices traditionnels mais plutôt sur une terreur insidieuse, qui passerait par le fait de nous mettre mal à l’aise. Le fait que l’on ne puisse décoller notre regard de l’écran de télévision prouve que Kyle Edward Ball réussit quelque part à pénétrer l’inconscient de millions de spectateurs. Sa démarche le dépasse peut-être, mais elle fonctionne. Ce cinéaste explore tout simplement, comme de nombreux réalisateurs avant lui, les possibilités expérimentales de ce médium. Tout comme le found-footage bénéficiait d’un important bouche à oreille, notamment dû aux effets secondaires (mal des transports), ce The House peut réussir à obtenir le même succès grâce à cette étrangeté créer par le temps. Une manière étonnante de continuer à s’intéresser aux possibilités d’un médium en constante évolution. Cette fois-ci le cinéma rejoint le folklore d’immenses territoires inexplorés : Internet. Et tout cela vient jouer avec des angoisses profondes et communes à une génération qui grandit avec ces objets de créations, qui viennent perturber nos rêves pour les transformer en cauchemars.

C’est quoi le cinéma selon Kyle Edward Ball ? Avec The House, il voit donc le septième art comme un terrain d’expérimentations ou les thématiques apportées par sa communauté ne servent que de moteur à son installation artistique. Finalement jamais l’enfance, les rêves ou les angoisses de la technologie ne sont réellement abordées. L’ennui ou le dégout que certains ressentent pour cette œuvre étonnante est justifié, mais à titre personnel je pense que l’on peut y trouver un intérêt, comme une forme d’expérience. Si l’on plonge dedans, une nuit, on peut y ressentir des angoisses inattendus et des questionnements constants. On aimerait que l’œuvre de ce cinéaste se poursuive pour pouvoir observer s’il réussira à mettre cette expérience dans une forme cinématographique plus traditionnelle. À découvrir dès maintenant sur Shadowz, pour tenter d’affronter un monde onirique et dangereux.

The House de Kyle Edward Ball, 1h39, avec Lucas Paul, Dali Rose Tetreault, Ross Paul – Sorti le 28 juillet 2023 et disponible sur Shadowz

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