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[REVIOWZ] Blood Machines – Un voyage hors du temps

En perpétuelle évolution, le cinéma se caractérise par la diversification des formes narratives et la fusion des frontières entre les différents médias visuels. Dans cette lignée, Blood Machines, l’œuvre audacieuse de Seth Ickerman, Raphaël Hernandez et Savitri Joly-Gonfard, se distingue comme un témoin contemporain de cette révolution. Diffusé sous forme de trois chapitres totalisant cinquante minutes, Blood Machines transcende les limites traditionnelles du cinéma et de la série télévisée pour s’épanouir dans un espace inédit, vibrant entre l’éphémère de l’épisode télévisé et l’immersion prolongée.

APPELER LES SOUVENIRS

L’œuvre embrasse fièrement des esthétiques rétro des années 80, évoquant un sentiment de nostalgie captivant, tout en transcendant le simple hommage pour forger sa propre identité visuelle. Cependant, derrière ce voyage spatio-temporel se cache une contradiction fondamentale : alors que Blood Machines emprunte son style à l’ère du passé, il se présente comme le reflet d’un souvenir brumeux, l’écho distordu d’un film des années 80 plutôt qu’une réplique fidèle. C’est ainsi que le film se meut en un rêve interstellaire, peuplé d’images qui dansent devant nos yeux, évoquant des souvenirs de classiques de science-fiction tout en restant fermement ancré dans une réalité propre.

L’une des prouesses majeures de Blood Machines réside dans sa capacité à immerger le public dans une action atmosphérique, sans se perdre en explications fastidieuses. Une brève introduction à travers un texte introductif jette les bases de l’histoire, laissant l’audience explorer cet univers inconnu par le prisme de l’action plutôt que par un flot de mots. L’approche minimaliste permet aux visuels de s’épanouir, créant ainsi une dynamique visuelle qui capture l’imagination.

100% ESTHÉTIQUE..

Les personnages, en contraste avec cette esthétique visuelle envoûtante, se révèlent plus ternes. L’interaction humaine est souvent réduite à des dialogues limités et à des échanges simplistes. Ce déficit narratif est partiellement compensé par la performance intrigante de Joëlle Berckmans, qui incarne la mystérieuse créature. Sa présence physique éclipse la musique de fond, se liant de manière inextricable avec l’environnement visuel époustouflant. Cependant, il reste un sentiment persistant que les personnages, en tant qu’entités individuelles, sont réduits au rang d’accessoires, au service de l’esthétique.

C’est précisément dans cette esthétique que Blood Machines atteint son apogée, marquant un mariage frappant entre le rétro et le contemporain. Les effets visuels somptueux, rendus possibles par la technologie actuelle, s’entrelacent avec une obsession rétro-fétichiste, créant un univers visuel qui défie les limites du possible. Des éclats de pourpre psychédélique aux couleurs saturées, chaque image ressemble à un kaléidoscope en constante évolution, transmettant une sensation de mouvement infini.

..ET MUSICAL

Pourtant, cet équilibre délicat entre esthétique et musique n’est pas toujours maintenu. L’atmosphère planante créée par les visuels est parfois éclipsée par la musique de Carpenter Brut, qui, bien que résonant avec l’époque, peut submerger les moments cruciaux de l’intrigue, transformant l’expérience en un hommage musical plutôt qu’un voyage cinématographique essentiel.

Enfin, en réfléchissant à la place de Blood Machines dans le paysage actuel, il devient évident que ce film dépasse les frontières habituelles de classification. La fusion des éléments visuels, narratifs et musicaux crée ce quelque chose unique et émotionnel. Certes, l’intrigue souffre parfois d’une exposition facile, mais cette carence est compensée par la force de la performance visuelle et musicale. L’approche comme une « expérience » ouvre la voie à une appréciation qui va au-delà des critères traditionnels et encourage une exploration plus profonde de ce que le cinéma peut offrir.

L’acceptation de films artisanaux tels que Blood Machines (ou The Evil Within) réside dans leur capacité à éveiller l’imagination et à proposer des expériences audacieuses et uniques, transcendant les catégories traditionnelles pour façonner un avenir inattendu pour le cinéma.

Blood Machines de Seth Ickerman, Raphaël Hernandez et Savitri Joly-Gonfard, 52min, avec Elisa Lasowski, Anders Heinrichsen, Noémie Stevens – Disponible sur Shadowz.