Alors qu’Annette de Leos Carax continue son chemin sur le grand écran, le documentaire sur le groupe clivant Sparks des frères Ron et Russell Mael sort dans la plus grande indifférence. Réalisé par Edgar Wright, que l’on sait également passionné par la musique, le film relate l’histoire du groupe, album par album : en resituant chaque disque dans son contexte, y sont restituées les humeurs des deux frères devant l’insuccès et les projets abandonnés, suivies de quelques anecdotes et phrases typiquement sparksiennes, énigmatiques et drôlissimes.
Des images d’archives, de concerts et clips, jusqu’au stop-motion et format cartoon développé par Wright, la forme du documentaire s’aligne parfaitement avec l’esprit du groupe. Dynamiques et créatives, il n’est pas rare de rire devant les mises en abîme fantaisistes et toujours de circonstance avec ce qui est raconté par les artistes interviewés. Comme Wright le dit lui-même, le groupe Sparks confirme que l’impopularité peut amener l’artiste à produire des choses intéressantes. Ce documentaire n’a pour but que de mettre en avant ce groupe parfois incompris, sous-estimé mais jamais lassé de proposer quelque chose de neuf. On y entendra parler de nombreux artistes de qualité, de Stephen Morris à Flea en passant par Giorgio Moroder et Duran Duran, évoquant l’inspiration majeure des Sparks sur un de leurs titres ou leur carrière. Touchant et intéressant pour qui connait toute la richesse de la période musicale britannique, leur point de vue est d’autant plus pertinent qu’il permet d’affronter celui des frères Mael, ignorant ce qu’ils ont pu apporter au milieu musical de l’époque.
Synthétique malgré sa durée (deux heures et vingt minutes de film mais sur vingt-cinq albums, difficile de faire mieux), le film récapitule de manière très juste la carrière très mouvementée du groupe, souvent perdu au sein d’une industrie qui ne voulait pas d’eux, puis à nouveau sur les devants de la scène. Sans jouer la carte des passages émotionnels très retrouvés dans les documentaires musicaux, Edgar Wright use du montage pour mettre en lumière l’état d’esprit des deux frères : aimés ou non, les frères Mael y sont indifférents, ils ne veulent se renouveler que pour le plaisir de la création artistique, rien d’autre. Que faire de l’émotion, les Sparks se jouent de l’ironie et du second degré afin de bousculer un peu tout le monde, en témoigne cet épilogue du générique de fin, absolument hilarant ; ou les petites piques humoristiques lancées d’un frère à l’autre. C’est d’autant plus agréable que cette énergie est également retrouvée durant les passages musicaux, au sein même de leurs textes, puisqu’ils y jouaient également-et toujours des jeux de mots. Du noir et blanc utilisé avec intelligence pour les interviews, Wright fait ressortir les couleurs du groupe comme jamais dans les passages les plus pops des séquences animées comme des somptueux clips du groupe musical.
The Sparks Brothers est un documentaire abouti et passionnant, finement travaillé par Edgar Wright. Malgré sa durée un peu longue, il n’en reste pas moins un plaisir de redécouvrir la carrière et discographie d’un groupe cultissime n’ayant jamais perdu son sens de l’humour. Accessible diront les fans comme donnant parfois l’impression d’assister à un best-of de l’histoire du groupe, The Sparks Brothers ne prétend pas non plus à autre chose que de bien la raconter : en somme, un objet ludique et généreux. Les frères Mael sont après tout, et ils le disent eux-mêmes, des personnes ayant une histoire semblable à celle de beaucoup d’autres. C’est peut-être ça aussi l’apport du documentaire musical, narrer avec simplicité l’histoire d’un artiste, en ne s’éloignant jamais de son esprit pour le mettre en avant de la plus juste des manières. Instantanément, l’envie de réécouter « The No 1 Song in Heaven » et « When I’m with you ».
The Sparks Brothers au cinéma le 28 juillet 2021.