[CRITIQUE] The Nocebo Effect – Une pauvre dialectique du mal

Il y a deux sortes de films cliniques, en gros : le film qui vit et respire la stérilité comme son sujet, employant une précision absolue dans le diagnostic des pathologies et des émotions, et le film qui, plutôt involontairement, recycle ses métaphores d’anxiété et de déplacement corporels avec une intention maladroite. The Nocebo Effect, le deuxième film de Lorcan Finnegan, entre tout à fait dans cette dernière catégorie. Portrait d’une domesticité bourgeoise brisée par l’intrusion de l’Autre, The Nocebo Effect ne cherche cependant pas à se réconforter en tournant en dérision ladite domesticité proprement dite. Une telle démarche, caractéristique de réalisateurs tels que Michael Haneke ou Ulrich Seidl, a ses propres charmes et défauts, et le seuil de tolérance à la violence peut varier d’une personne à l’autre. Non, The Nocebo Effect vise l’autre extrémité du spectre, instituant effectivement une dialectique du mal qui plonge d’abord le spectateur dans des eaux inquiétantes, voire antipathiques, avant de faire basculer de façon spectaculaire le calcul de la faute et de la responsabilité morale vers les “bons”, vers une fin trop prévisible.

© The Jokers Films

Christine (Eva Green) est une créatrice de mode qui vit confortablement dans la banlieue de Dublin avec son mari Felix (Mark Strong) et sa jeune fille, Roberta (Billie Gadsdon). Roberta fréquente une école privée, et les trajets logistiques pour aller la chercher constituent l’une des plus grandes frustrations de cette famille heureuse, jusqu’au jour où Christine a la vision d’un chien infesté de tiques sur son lieu de travail. Aussi vite qu’il est apparu, le chien s’est volatilisé, mais pas avant qu’une de ses tiques ne s’accroche à Christine pour la mordre. Huit mois plus tard, Christine, dont la santé décline, dort avec un ventilateur et une nourrice originaire des Philippines se présente sur le pas de sa porte, sans avoir été embauchée ou invitée, apparemment. Diana (Chai Fonacier), la nounou, dégage immédiatement une impression de menace : elle est amicale, mais trop, serviable, mais d’une manière édulcorée, et nonchalante quant aux limites entre employeur et employé, étranger et ami. On pourrait presque imaginer que Finnegan met le spectateur au défi d’articuler ces limites et d’ancrer encore davantage les stéréotypes de classe et de race, car il est tout à son honneur que les motivations – et même le sens moral – de Diana ne soient pas explicitement étoffés pour la plupart, révélés plutôt par de petits flashbacks de sa vie aux Philippines.

Cette indétermination, cependant, ne doit pas être confondue avec la complexité thématique. The Nocebo Effect, conformément à la mode de l’horreur contemporaine, a l’impression qu’il doit dire quelque chose sur la couleur des peaux et la marchandisation du travail et de la vie sous le capitalisme mondial. Ses préoccupations – en tant que coproduction irlandaise et philippine, rien de moins – rendent le message qui en découle désespérément didactique. La menace initiale qui se cache derrière les actions ambiguës de Diana se dissipe en une vengeance juste et déchirante, tandis que le trio bien intentionné souffre de multiples poussées d’hallucinations, de manipulation et de luttes intérieures. Ce qui est triste, car Finnegan, ce faisant, prive paresseusement tous les personnages, y compris Diana, d’un véritable pouvoir d’action ; comment peut-on blâmer quelqu’un qui ne réalise même pas ce qu’il a fait de mal, et comment peut-on blâmer quelqu’un qui cherche une vengeance bien méritée ? Vivarium, le premier film de Finnegan, n’offrait pas de véritable vision de la dystopie suburbaine, mais les décors confinés engendraient une claustrophobie mentale sensiblement terrifiante. Ici, son penchant pour les séquences angoissantes est toujours présent, mais il est trop souvent interrompu par une exposition maladroite et lente qui mène à la grande révélation du dénouement. À ce moment-là, le fil auquel The Nocebo Effect s’accroche se rompt visiblement, ce qui correspond peut-être à son titre : lorsqu’on nourrit des attentes trop pessimistes à l’égard de ses personnages, on constate souvent qu’ils déçoivent, au détriment de la narration.

The Nocebo Effect de Lorcan Finnegan, 1h36, avec Eva Green, Chai Fonacier, Mark Strong – En VOD et DVD le 8 mars 2023.

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