[CRITIQUE] The Mortuary – Découvrez les morts

Malgré leur réputation entachée par quelques exceptions notables, les films d’horreur d’anthologie suscitent toujours une certaine appréhension. Souvent forgés par une pluralité de réalisateurs, œuvrant autour d’un thème commun, ils risquent parfois de manquer d’homogénéité, laissant chaque récit voguer sur des flots distincts. Cependant, dans cet océan narratif tumultueux, le scénariste et réalisateur Ryan Spindell émerge en maître d’orchestre, maniant avec brio une astuce singulière pour conjurer ces écarts : un savant méta-commentaire ponctuant chaque récit.

The Mortuary s’érige en un ensemble de quatre histoires, sombres, sinueuses, et effrayantes, tissées autour d’un récit-cadre, alors que l’énigmatique Monty Dark, gardien de la morgue (interprété par Clancy Brown), initie la nouvelle venue, Sam (Caitlin Fisher), à l’obscur univers des morts. Au fil de ses pérégrinations au sein des étages et des recoins labyrinthiques de la morgue, peuplés d’artefacts insolites, Monty captive Sam avec des récits morbides de châtiments divins infligés aux âmes pécheresses. Le premier conte, plongeant ses racines dans les années 50, relate l’histoire d’Emma (Christine Kilmer), voleuse en quête de butin lors d’une soirée mondaine, dont l’audace mal avisée déverrouille une armoire à pharmacie scellée. Bien que cette introduction soit la plus brève et la moins mémorable, elle établit magistralement le ton et l’esthétique visuelle du film, puisant son inspiration dans l’esprit des Contes de la Crypte, tout en déployant un chic d’antan rappelant les Désastreuses Aventures des Orphelins Baudelaire.

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Le second récit, ancré dans les années 60, plus étendu et toujours ancré dans son époque, plonge résolument dans les méandres des enjeux contemporains de la sexualité et du genre. Suivant les pas de Jake, l’impétueux séducteur de la fraternité (Jacob Elordi), qui cible la timide et érudite Sandra (Ema Horvath) pour en faire sa proie, ce conte ne laisse aucun doute quant au prix exorbitant de l’hubris. Spindell y distille une des séquences les plus ingénieuses : un marathon sexuel de sept heures, condensé en un montage éclairé par l’aiguille implacable d’une horloge, chaque position érotique dépeinte dans une brume évanescente. Quant au troisième récit, prenant racine dans les années 70, il narre le tragique destin de Wendell (Barak Hardley) et Carol Owens (Sarah Hay), un couple uni par les liens sacrés du mariage. Mais l’ombre funeste de la maladie vient assombrir leur union, poussant Wendell à commettre l’irréparable : empoisonner celle qu’il aimait. Loin de se dérouler comme prévu, leur fuite se transforme en une cavalcade infernale, entre sculptures de viande électriques et malles macabres, les conduisant droit vers un destin funeste.

Pourtant, c’est après cette troisième narration que Sam ébranle les fondations de l’édifice narratif érigé par Monty, contestant l’idée selon laquelle les méchants récolteraient toujours ce qu’ils sèment. Pour étayer son propos, elle nous plonge dans son propre conte macabre et retors, “The Babysitter Murders“, offrant une interprétation subversive de la légende urbaine traditionnelle sur la baby-sitter, son jeune protégé et l’étrange fugitif qui s’invite lors d’une nuit d’orage. Ce récit, initialement un court-métrage de Spindell, devient le pivot de l’anthologie, distillant une narration singulière et novatrice, bien loin des sentiers battus. C’est là que réside, à la fois, la force et la faiblesse de ce film.

À chaque conclusion de récit, alors que Monty achève son histoire, Sam, telle une critique acerbe, pointe du doigt la banalité et la prévisibilité des récits. Elle raille la simplicité et la résolution trop facile du premier conte, puis loue l’exhaustivité du second avant de le reléguer au rang de la désinvolture. À la clôture du troisième récit, son insatisfaction éclate au grand jour, déclarant haut et fort son aversion. Ironiquement, Sam incarne le miroir du spectateur, dénonçant avec véhémence la platitude et la morosité des histoires, déjà vues et revues maintes fois. C’est comme si Spindell lui-même laissait entendre que ces récits ne sont pas tout à fait à la hauteur, surtout à la lumière de ce qui nous attend dans le quatrième et ultime récit. “The Babysitter Murders” incarne les qualités de fraîcheur et d’imprévisibilité que Sam (et par extension, le public) n’a pas trouvées ailleurs. Cela n’amoindrit en rien les plaisirs offerts par les autres récits, mais laisse planer le sentiment inéluctable d’une attente non comblée, surtout face à l’aiguillon de la comédie noire qui vient conclure chaque histoire.

La conclusion, portée par “The Babysitter Murders“, fait monter en crescendo la tension narrative, débouchant sur un face-à-face entre Monty et Sam. Elle offre un dénouement à la fois satisfaisant et énigmatique, laissant au public le soin de combler les vides laissés en suspens. En fin de compte, The Mortuary se révèle être une anthologie aussi divertissante que captivante. Malgré quelques récurrences narratives trop prévisibles, la direction éclairée de Spindell, la richesse de la conception artistique, la production soignée, ainsi que les performances magistrales de Brown et Fisher, en font un film facile à aimer, une œuvre attachante.

The Mortuary Collection de Ryan Spindell, 1h51, avec Clancy Brown, Caitlin Fisher, Christine Marie Kilmer – En VOD le 30 septembre 2021

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