Sa deuxième saison n’avait pas que rallumé le sabre laser de Luke Skywalker et surfé sur toute la nostalgie que suppose un tel acte de fan-service. The Mandalorian s’était aussi offert un grand moment d’émotion en séparant le chasseur de primes éponyme de sa petite créature verte, après seize épisodes de vagabondage et de paternité improvisée. Un vrai tire-larme en guise de cliffhanger. Dommage : la saga a lâchement fait marche arrière pendant que Boba Fett réglait ses affaires mafieuses dans son propre show et Grogu a aussitôt retrouvé son statut de mascotte dans les bras de Din « Mando » Djarin. Le duo le plus improbable de la galaxie repart donc pour de fraîches envolées, tournant le dos à ce qui faisait jusque-là le cœur du scénario – trouver un foyer convenable au Jedi miniature – pour une quête plus grandiose encore. Car pour cette troisième fournée d’épisodes, Jon Favreau (le créateur du spin-off télévisé) se reporte spécifiquement au titre : notre héros est un mandalorien, et ce dernier doit accepter les rudes conditions de sa caste. Lui qui s’était lancé sur la voie de l’émancipation grâce à son compagnon se retrouve maintenant muni d’une Excalibur mandalorienne, à gamberger auprès des siens, reclus et adeptes de l’armure intégrale, en attendant de reconquérir leur bonne vieille planète, inhabitée depuis des lustres. Les enjeux sont parfaitement esquissés. Mais les récits à long terme intéressent moins Favreau que les soubresauts. Alors, comme il avait pu le faire sur les deux saisons inaugurales, le showrunner relègue la grande intrigue aux caméos et clins d’œil lourdauds, aux petites phrases adressées aux spectateurs aguerris et aux détails fichés dans le décor. Sa préférence pour le feuilleton, avec sa narration semi-anthologique, fait se succéder les mini-intrigues sans conséquences et les images fantaisistes, perpétuellement doublées de réminiscences à d’autres segments de la franchise ou œuvres de pop-culture. La recette n’a jamais autant porté préjudice à la série Star Wars qui, non contente de faire du surplace malgré des atouts non négligeables, perd cruellement en envergure.
En dupliquant les rebondissements annexes, et en distillant sporadiquement les clés de sa mythologie, The Mandalorian s’abaisse au même niveau que ses cousines en prises de vue réelle. Le show passe à côté de ses opportunités de grandiose, recale son protagoniste en arrière-plan, se dispense du vaste de la galaxie pour les déserts habituels et quartiers qui sentent le plastique, et assassine sa dramaturgie en minimisant les actes les plus cruciaux. Cette troisième saison ne peut même pas compter sur ses techniciens de renom – Bryce Dallas Howard, Peter Ramsey et Lee Isaac Chung se relaient – pour inverser la tendance. Certaines de ses premières ambitions subsistent malgré tout. La série poursuit notamment son sauvetage de la postlogie en raccommodant ses montagnes d’incohérences et en lui fournissant le contexte qu’il lui manquait, rappelant les qualités et le style glacial de l’excellente Andor lors de ses courts détours politiques. Il faut cependant attendre que le scénariste Dave Filoni reprenne la main, à deux épisodes de la conclusion, pour que The Mandalorian sorte enfin du coma et se décide à recouvrer son amplitude galactique. Une fois son nom au générique, le spectacle change radicalement de gueule (en flirtant, par exemple, avec l’atmosphère inquiétante de Blade Runner), déclenche des séquences d’action costaudes (grosse bestiole et tirs de pistolet laser inclus) et dévoile les contours d’un gigantesque puzzle où s’imbrique la totalité des médias Star Wars. De la prélogie à L’Ascension de Skywalker, en passant par la future Ahsoka, les récits de La Guerre des étoiles convergent ici comme par magie. C’était ce que prédisait la deuxième saison, avec ses connexions aux autres productions Disney+ : si The Mandalorian prévoyait, au début, de raconter l’envers du décor, la série a définitivement fait de son mythos le squelette d’une renaissance, le levier d’une nouvelle ère, d’une saga dans la saga. En attendant que celle-ci ne s’achève en un long-métrage prévu pour le cinéma, Jon Favreau devrait sérieusement veiller à ne pas s’éparpiller. En l’état, sa narration vise aussi mal qu’un stormtrooper.
The Mandalorian, 3 saisons, 24 épisodes, 35 min, avec Pedro Pascal, Katee Sackhoff, Giancarlo Esposito – Sur Disney+
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JACK6/10 SatisfaisantLa troisième saison de The Mandalorian se clôture avec un épisode qui résume bien celle-ci : de l'action à foison et des intentions louables, sabotées par une exécution laborieuse. Jon Favreau minimise tous les actes cruciaux de sa saga, même s'il fait les choses avec le cœur.