[CRITIQUE] The Harder They Fall – Shoot ’em up du “Où est Idris ?”

Pour ceux qui se posent la question (et je doute qu’ils soient nombreux), il ne s’agit pas d’un remake du drame de boxe de Humphrey Bogart de 1956. Non, il s’agit d’un nouveau western proposé par Netflix. Réalisé et coécrit par l’auteur-compositeur-interprète Jeymes Samuel, ce shoot ’em up étoilé attire immédiatement l’attention par son casting majoritairement noir. Mais en dépit d’un début fort et de l’incroyable talent à l’écran, le film s’affaisse au milieu avant de franchir la ligne d’arrivée en boitant avec une fin prévisible et une suite qui donne le tournis. The Harder They Fall raconte une histoire fictive mais utilise de vrais cow-boys, hommes de loi et hors-la-loi du 19ème siècle. L’histoire commence par un coup d’éclat. Dans la tradition de certains grands westerns spaghettis, le film s’ouvre sur une fantastique séquence de générique suivie d’une explosion de violence qui définira les personnages clés. Dans ce cas, un jeune garçon voit ses parents abattus de sang-froid. C’est une scène exceptionnellement filmée qui fait écho au travail des deux plus grands Sergio du genre, Leone et Corbucci.

Des années plus tard, le garçon traumatisé est devenu un homme répondant au nom de Nat Love (interprété par un Jonathan Majors exceptionnel). Marqué par une croix gravée sur son front par l’assassin de ses parents, Nat, avide de vengeance, apprend que l’homme qu’il cherche à tuer, Rufus Buck (Idris Elba), est sorti de prison. Il est aidé dans sa quête de vengeance par la propriétaire du saloon et l’ancienne flamme de Nat, Stagecoach Mary (Zazie Beetz), le tireur d’élite Bill Pickett (Edi Gathegi), un jeune tireur d’élite nommé Jim Beckworth (RJ Cyler) et le fidèle employé du saloon de Mary, Cuffee (Danielle Deadwyler). L’homme de loi chevronné Bass Reeves (Delroy Lindo) se joint également à eux. Il a un compte à régler avec Nat, mais veut surtout Rufus. Pendant ce temps, dans l’une des meilleures scènes du film, tant sur le plan visuel que sur celui de l’interprétation, les fidèles de Rufus Buck, l’acariâtre “traîtresse” Trudy Smith (Regina King), le sournois et impitoyable Cherokee Bill (LaKeith Stanfield) et quelques jetables, font évader leur chef d’un train-prison, puis se dirigent vers la ville de Redwood City. Une fois sur place, ils mettent à la porte son shérif véreux, autrefois un ancien associé de Rufus nommé Wiley Escoe (un excellent Deon Cole), et s’installent. Malheureusement, c’est ici que le film commence à stagner.

Une ville en carton.

Pour une raison quelconque, Idris Elba, qui déborde de charisme et brandit une menace tranquille, disparaît pendant une longue partie du film. Il reste essentiellement enfermé à Redwood City en attendant l’inévitable affrontement entre les gangs. Sa présence manque au film. Majors est formidable et porte la charge de son gang (il a quelques scènes particulièrement bonnes face à Beetz). Mais lorsqu’il s’agit de la bande de Buck, King et Stanfield (tous deux très bons ici) font de leur mieux, mais restent bloqués à un endroit et tournent en rond. C’est dommage, parce qu’ensemble avec Elba, les trois forment une combinaison géniale. Chacun nous offre des personnages qui nous saisissent et nous laissent sur notre faim. C’est le premier long métrage de Jeymes Samuel, dont la mise en scène sûre et le style criard nous donnent régulièrement quelque chose de cool à regarder et à admirer. Mais tous ses choix ne fonctionnent pas. Par exemple, il y a des passages épars de dialogues qui semblent sortis d’une comédie moderne plutôt que de l’Ouest américain. Il y a aussi quelques scènes où l’ambition de Samuel prend le dessus et où il s’emporte un peu trop. Un bon exemple est une scène de braquage de banque à Maysville, une ville exclusivement peuplée de riches blancs. La ville entière est littéralement blanchie à la chaux de haut en bas. Chaque bâtiment, chaque abreuvoir, chaque poteau d’attelage. Même le sol. Je n’en dirai pas plus, mais le symbolisme est assez astucieux. Malheureusement, l’exécution est si flagrante et la ville si effrontément fausse m’a arraché du film.

Si le film semble parfois un peu trop poli, ses personnages sont pleins de cran. La violence est probablement mieux décrite comme étant légère à la Tarantino. Elle peut être brutale et plutôt horrible, tandis que d’autres fois, elle est presque caricaturale. Mais surtout, elle fonctionne bien dans le monde de Samuel. Et si l’histoire peut être assez sinistre, il y a suffisamment de rapports spirituels pour éviter que les choses ne deviennent trop sèches et arides. Pourtant, malgré tout cela, le style de l’histoire ne parvient pas à maintenir son élan. Et plutôt que de se construire jusqu’à un grand final, on se retrouve avec un milieu trop long qui draine trop d’énergie et vous laisse vous demander “Où est Idris ?”.

Note : 2.5 sur 5.

The Harder They Fall disponible sur Netflix le 3 novembre 2021.

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