[CRITIQUE] Sputnik – A Ghost Alien

Alien de Ridley Scott a gravé une empreinte indélébile dans le genre de l’horreur spatiale. Il est ardu de ne pas invoquer inévitablement Alien à chaque fois qu’un extraterrestre particulièrement sinistre se profile dans le monde de l’horreur, surtout lorsqu’il est assorti d’une scène d’accouchement macabre. Sputnik tente de s’affranchir de ces comparaisons en offrant une étude de personnages ancrée sur Terre, projetée dans l’ombre lugubre de la guerre froide. Si l’on trouve maints aspects louables dans cette exploration de créatures et de son monstrueux dévoreur d’hommes, le long-métrage préfère se concentrer sur son drame intimiste.

Tatiana Yurievna (incarnée par Oksana Akinshina) est une jeune médecin passionnée, dont la propension à repousser les limites de l’éthique médicale a déclenché une enquête susceptible de lui coûter sa licence. L’attention ainsi suscitée attire l’intérêt de l’officier militaire Semiradov (joué par Fedor Bondarchuk), qui recrute Tatiana pour évaluer un cas unique au sein d’un centre de recherche secret, loin des frontières russes. Cette affaire tourne autour du cosmonaute Konstantin Sergeyevich (interprété par Piotr Fyodorov), seul survivant d’un mystérieux incident spatial l’ayant involontairement doté d’un passager clandestin extraterrestre. Une créature réside en lui, quittant son corps chaque nuit pendant qu’il est inconscient. Le scénario élaboré par Oleg Malovichko et Andrei Zolotarev s’intéresse davantage à Tatiana, à ses méthodes peu orthodoxes et à son évolution psychologique, ainsi qu’à sa lente connexion avec Konstantin, plutôt qu’à l’extraterrestre en action. Par conséquent, le temps d’écran dévolu à l’extraterrestre est minime par rapport à l’exploration méthodique de la vérité par Tatiana. C’est regrettable, car le film s’anime à chaque fois que la créature émerge de la bouche de Konstantin, déchiquetant sa proie ou s’éveillant à son nouvel environnement. Une fois que l’attention se recentre sur Tatiana, le récit retombe dans une méditation silencieuse, prolongée sur de longues périodes. Avec une durée de près de deux heures, on ressent cette cadence sans précipitation.

Dirigé par Egor Abramenko, Sputnik est magnifiquement réalisé, malgré son ambiance décontractée des années 80. Le caractère réservé des personnages humains, qui dissimulent leurs émotions derrière des façades stoïques, renforce l’atmosphère froide et distante du film. Tel est l’objectif recherché. Bien que les moments mettant en scène la créature soient palpitants, le film se présente davantage comme une réflexion sur l’époque et son impact sur la découverte d’un être extraterrestre lié à une figure publique. La mission spatiale de Konstantin, ayant coûté la vie à son camarade, demeure inexpliquée, mais dans le climat nationaliste ambiant, son pays a désespérément besoin de héros. Afin de préserver l’image d’un symbole d’espoir, il a été relocalisé dans une installation en dehors des frontières russes. L’intention est d’empêcher l’entité parasite de ternir cette icône. Une grande partie porte sur ce qui est non-dit et sur la lecture entre les lignes. Tatiana et Semiradov cachent bien plus qu’ils ne révèlent, et le film déploie patiemment leurs couches successives. Cette distance rend toutefois difficile la saisie du point central du film. Si Tatiana en constitue le pivot central, quelques fils narratifs et idées s’éparpillent dans le drame.

Les attentes préalables joueront un rôle crucial dans la réception du film. Les spectateurs s’attendant à un rythme effréné et à une intrigue centrée sur la créature seront profondément déçus. Ceux qui l’appréhendent comme une méditation sur les personnages, ponctuée de moments de violence, seront mieux à même d’apprécier cette immersion dans un monde aux tonalités nuancées. En fin de compte, Sputnik entremêle habilement le récit de monstres et le drame subtil, bien que le premier s’avère plus convaincant que le second, mais aussi moins exploité. Abramenko n’arrive pas entièrement à dissocier son film de son influence extraterrestre, mais il offre suffisamment d’éléments pour susciter l’intérêt et l’envie de plus de chaos monstrueux.

Sputnik – Espèce Inconnue de Egor Abramenko, 1h54, avec Oksana Akinshina, Fedor Bondarchuk, Pyotr Fyodorov – En VOD le 23 février 2021

1
0

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *