[CRITIQUE] Seule la joie – Un voyeurisme d’une beauté singulière

Tomber amoureux peut être excitant, amusant et ludique. Cela peut aussi être difficile, compliqué et frustrant. Cela peut être rapide ou lent, mais c’est presque toujours effrayant. S’ouvrir à quelqu’un peut être une perspective intimidante, surtout s’il y a des parties de soi et de sa vie que l’on n’a pas encore totalement acceptées. Le premier film d’Henrika Kull, Seule la joie, résume bien ce processus. Il s’agit d’une réflexion pleine de retenue sur l’intériorisation de l’acceptation de soi et l’intimité de la création de relations.

Sascha (Katharina Behrens) est une travailleuse du sexe qui travaille dans un bordel berlinois. Elle semble plutôt à l’aise dans la vie : elle voit son jeune fils tous les deux ou trois jours, a un groupe de clients réguliers et entretient des liens étroits avec les autres femmes qui travaillent pour elle. Maria (Adam Hoya) est la nouvelle fille, indépendante et artistique, avec une énergie qui attire immédiatement Sascha. La relation naissante entre les deux femmes est mise à l’épreuve alors que chacune d’entre elles doit faire face à un parcours émotionnel complexe : tomber amoureuse de quelqu’un tout en s’acceptant soi-même.

© Outplay

Seule la joie, le premier film de la scénariste et réalisatrice Henrika Kull, est un portrait intime et tranquille du cheminement à suivre pour s’ouvrir à l’amour. C’est un début confiant, assuré de sa capacité à transmettre le ton, l’atmosphère et les sentiments avec peu de dialogues, sans jamais s’égarer ou se perdre dans le vague ou l’inexpliqué. Le long métrage capture le sentiment de vulnérabilité qui accompagne le fait de s’ouvrir à une autre personne, de lui montrer les parties désordonnées de soi au fur et à mesure que l’on construit une relation.

Sascha et Maria ont leurs propres luttes internes, mais Kull ne compte pas sur l’exposition ou les grandes révélations pour les faire passer. Au lieu de cela, elle fait confiance à son public pour combler les lacunes, interpréter ce qui n’est pas dit et arriver à ses propres conclusions, et elle fait également confiance à ses interprètes pour fournir les bons repères à travers leurs performances.

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La relation de Sascha et Maria repose autant sur l’intimité physique que sur l’émotionnel. Elles sont très tactiles et s’expriment par de doux contacts et des regards, plutôt que par de longues conversations. Cela n’enlève rien à l’authenticité de la relation, mais cela signifie qu’elle est à la limite de la précipitation. Behrens et Hoya offrent des performances vraiment intrigantes et séduisantes. Sascha semble si confiante et sûre d’elle, mais à mesure qu’elle se rapproche de Maria, il devient évident qu’elle lutte contre la peur de s’accepter, avec un passé qui l’a empêchée d’être à l’aise pour reconnaître le bonheur. Maria est désespérément seule, canalisant sa douleur et ses émotions dans la poésie et contemplant ce que signifie être une femme, être féminine.

La stabilité de Sascha est captivante pour Maria, mais elle se méfie de l’instabilité qui se cache derrière. L’altérité de Maria est captivante pour Sascha, mais elle se méfie de se laisser aussi libre que Maria le semble. Le couple a une véritable alchimie et leur capacité à transmettre tant de choses à travers les moindres détails de leurs performances physiques permet à la relation de se sentir très naturelle, intime et authentique, même si elle est un peu précipitée.

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La caméra et la mise en scène de Kull donnent à Seule la joie une dimension presque voyeuriste, mais pas d’une manière qui semble grossière ou forcée. Le film est une étude de caractères qui reste quelque peu à l’écart de ses personnages, mais pas d’une manière qui donne l’impression d’être déconnecté. C’est le début d’une relation dans sa forme la plus pure qui ne s’attarde pas sur les détails personnels car, finalement, ils sont sans importance.

Seule la joie parle de connexion et du procédé inconfortable, gênant, effrayant et gratifiant de se révéler à quelqu’un d’autre.

Note : 3.5 sur 5.

Seule la joie au cinéma le 2 novembre 2022.

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