Que penser d’un long-métrage dépeignant une biographie, mais qui, d’emblée, expose les artifices de sa créativité narrative ? On pourrait légitimement escompter une œuvre affranchie des clichés éculés inhérents aux biographies, dont la lassitude nous a accablé. Pourtant, l’expérience offerte par Race for Glory: Audi vs. Lancia ne s’accorde guère avec ces attentes. Il s’agit d’un drame de course qui s’avère incapable de saisir la frénésie du circuit, l’âme brûlante de la vitesse, ou l’ardent désir de triomphe. En effet, toute anticipation d’un spectacle de courses automobiles se voit rapidement désillusionnée. Non seulement leur présence est rarissime, mais lorsqu’elles surviennent, elles se trouvent capturées en plans rapprochés, dénués de la majesté des cascades, des panoramas grandioses, et plus encore, de la fluidité nécessaire à une immersion authentique dans l’action. L’admiration des compétitions devient chimérique, d’autant plus que l’effervescence de l’action s’effrite sans cesse au gré du montage, laissant le spectateur dans l’opacité la plus totale.
Quant au contenu narratif, il se résume au mieux à une retranscription partielle des événements du Championnat du Monde des Rallyes de 1983 et des conflits entre les écuries des constructeurs automobiles en quête de titres. Le film concentre son attention sur le directeur tourmenté de Lancia, Cesare Fiorio, incarné par le co-scénariste et producteur, Riccardo Scamarcio. Manifestement, ce dernier voue une passion dévorante à ce projet, au point qu’un changement de titre aurait été de mise, peut-être quelque chose de plus évocateur que Race for Glory, tel que « Le Fiorio de Lancia ». On le sait tous, après, peu importe le titre, ça va faire un bide. Tout le monde s’en fout.
Et que nous révèle-t-on au sujet de Fiorio ? Il est animé par une obsession implacable pour la victoire. Malheureusement, les affaires ne tournent pas rond, contraignant Fiorio à recourir à des artifices parfois cocasses pour préserver les apparences. Ces moments apportent une pointe d’humour, toutefois, l’atmosphère d’ensemble demeure excessivement austère. Cela se confirme particulièrement dans les scènes de course – on y revient -, où le réalisateur et co-scénariste, Stefano Mordini, ne parvient pas à insuffler l’urgence requise. Une grande partie du récit suit Fiorio dans ses efforts pour accroître les ventes, ponctuée de son obsession affichée pour la victoire. La performance de Scamarcio dans le rôle de Fiorio, déterminé et obnubilé, se profile comme le moteur le plus dynamique du film.
Race for Glory: Audi vs. Lancia déçoit davantage du fait de la présence de Daniel Brühl dans le rôle de Roland Gumpert, le directeur de la marque allemande Audi et rival de Fiorio. Il est inévitable que celui-ci, déjà aperçu dans le bien plus captivant Rush de Ron Howard (pour rester dans le thème), semble désorienté quant à sa raison d’être dans cette production, occupé à des activités bien moins palpitantes. La brève apparition d’Haley Bennett dans un rôle non crédité en tant que reporter contrainte d’endurer les vantardises de Fiorio ne déroge pas à cette énigme.
Avec une durée de 108 minutes seulement, le film peine à saisir l’ensemble des dynamiques entre les personnages dans cette rivalité. L’exploration de la vie personnelle de Fiorio demeure lacunaire, bien que l’on s’attende à ce qu’elle revête une importance significative. Le plus intriguant réside dans le pilote Lancia, Walter Röhrl (Volker Bruch), une légende que Fiorio exhume de sa retraite pour piloter sa nouvelle voiture légère. Röhrl suscite un intérêt par son hésitation à s’engager, préférant l’ombre aux projecteurs. Malheureusement, le film ne creuse jamais pleinement le personnage de Röhrl, laissant le spectateur perplexe quant à la profondeur réelle de sa complexité. De plus, les scènes le concernant se répètent de façon monotone, perpétuant un ennui manifeste. Il s’enferme dans l’habitacle, en ressort, émettant des commentaires sur son expérience, oscillant entre le plaisir et l’inquiétude quant à la dangerosité de la machine. Fiorio, imperturbable, réplique que les risques importent peu, et ce refrain se répète inlassablement. Une lassitude s’installe irrémédiablement.
Race for Glory: Audi vs. Lancia peine à décoller, semblant dépourvu de l’impulsion d’un turbo. Il est déconcertant que tant de drames de course portent davantage leur attention sur les hommes en dehors des cockpits, négligeant ceux qui affrontent le destin à chaque virage. À tout le moins, le film Gran Turismo, bien que médiocre, s’avérait un peu moins coupable de cette préférence désenchantée.
Race for Glory: Audi vs. Lancia de Stefano Mordini, 1h33, avec Riccardo Scamarcio, Daniel Brühl, Katie Clarkson-Hill – Au cinéma le 7 février 2024