[CRITIQUE] L’Exorciste : Dévotion – La Longue Nuit de l’Exorsieste

400 millions de dollars. C’est la somme qu’a payé Universal Pictures pour les droits d’adaptation au cinéma d’une nouvelle trilogie L’Exorciste, censée s’inscrire dans l’héritage du chef-d’œuvre de William Friedkin, qui fête les 50 ans de sa sortie cette année. À la mise en scène on retrouve David Gordon Green, accompagné au scénario de Danny McBride, un duo bien connu de la maison Blumhouse puisqu’ils ont signé les 3 derniers films de la franchise Halloween, qui s’inscrivent aussi dans l’héritage du chef d’œuvre de John Carpenter.

Une trilogie qui a beaucoup divisé, avec un premier opus correct au propos intéressant sur le traumatisme, mais trop sage pour certains, un deuxième volet fendard qui allait plus loin dans la violence graphique, et un chapitre final audacieux mais globalement raté. On pouvait donc à la fois craindre le pire pour ce « legacyquel » (terme issu de la contraction des mots anglais legacy et sequel), mais peut-être que les auteurs allaient réactualiser intelligemment la mythologie du premier film, en la mettant en perspective avec notre époque.

Copyright Universal Studios. All Rights Reserved.

Malheureusement, le résultat est plus proche de la première hypothèse. Difficile de comprendre quelles étaient les véritables intentions de David Gordon Green ici. Si le pari était, comme son premier Halloween, de respecter le film original et d’en faire une suite fidèle, et cohérente dans son prolongement narratif, alors c’est un échec cuisant.  Le film s’ouvre dans un lieu exotique, à Haïti, pour nous présenter l’histoire de la naissance d’Angela et de la perte de sa mère, survenue après un violent séisme dans les rues de Port au Prince. Cette démarche peut de prime abord sembler similaire à l’ouverture du film de 1973 en Irak, mais seul le changement de lieu s’y apparente, puisque Friedkin ne cherchait pas à donner des éléments d’exposition, mais à installer une atmosphère étrange, qui allait contaminer le reste du long-métrage.

Quant à la réelle exposition du film, cette fois aux États-Unis, elle est très laborieuse (la seconde jeune fille possédée, Katherine, est introduite à la truelle), avec des séquences qui s’enchaînent beaucoup trop rapidement, y compris la séance de spiritisme déclenchant la possession, qui arrive comme un cheveu sur la soupe. Quand les deux adolescentes sont retrouvées, aucune montée en tension n’est de mise, et les scènes de comportement démoniaque se suivent, sans originalité aucune, à la limite du mauvais goût comparé au film de 73. En effet, William Friedkin prenait le temps d’offrir une réelle gradation dans l’état de la jeune Regan, offrant ainsi une montée en tension méticuleuse, et une installation terriblement insidieuse du Mal dans cette maison de Georgetown. Ici c’est tout l’inverse, un déroulé expéditif, avec d’énormes sabots. 

Que dire également du retour de Chris McNeil, la mère de Regan, à nouveau incarnée par la brillante Ellen Burstyn ? Malheureusement pas grand chose d’intéressant. Celle-ci revient en tant qu’experte des exorcismes, ou plutôt des possessions démoniaques, et après une vaine tentative de connecter ce démon à celui qui a possédé sa fille, elle est écartée du récit. Autrement dit, à part pour introduire sa présence dans les deux prochains films, si l’on retire l’intégralité de ses séquences du montage, cela n’a absolument aucune incidence sur le reste du récit. Une prouesse d’en arriver à ce niveau de vacuité.

Copyright Universal Studios. All Rights Reserved.

On peut ainsi en conclure que pour ce qui est de s’inscrire respectueusement dans l’héritage du film original et d’y apporter une plus-value, c’est un ratage absolu. Au moins cette fois on évitera les critiques reprochant un film de bon élève. Si la démarche était de s’en détacher et de proposer autre chose dans le ton, de bien moins subtil, et plus outrancier, alors on ne peut pas dire que cela soit un succès non plus, tant le film ne propose rien en termes d’horreur graphique. Le postulat impliquant cette fois deux jeunes filles possédées au lieu d’une n’a rien de bien intéressant à proposer non plus, encore moins en termes d’impact émotionnel puisqu’une seule des deux témoigne d’un semblant d’écriture. En somme, de la pure surenchère gratuite.

Vous l’aurez compris, Dévotion ne brille pas par la pertinence de son script, et malheureusement c’est également le cas de sa réalisation. L’image est pourtant de bonne facture, et l’on peut éventuellement garder en tête 2 ou 3 belles idées de plans dans le climax (bien que la situation avec cette équipe de religieux issus de mouvements divers du christianisme soit fortement ridicule et mollassone), mais hormis cela, c’est le néant absolu. Alors que malgré leurs qualités variables, David Gordon Green avait réussi à apporter quelques séquences visuellement intéressantes dans ses films Halloween. Pour couronner le tout, le cinéaste nous fait subir des jumpscares médiocres, dont certains à coup d’effets sonores effroyablement grossiers.

Un démarrage complètement raté pour cette trilogie affreusement coûteuse, dont les deux prochains opus mériteraient de mourir dans l’œuf afin de décourager toute future démarche d’excavation de classiques du genre.

L’Exorciste: Dévotion, de David Gordon Green, 1h51, avec Leslie Odom Jr., Ellen Burstyn, & Ann Dowd – Sortie au cinéma le 11 octobre 2023

4/10
Note de l'équipe
  • JACK
    4/10 Passable
    À l'exception d'une poignée de plans subliminaux et de maquillages réussis, L'Exorciste : Dévotion ne propose pas grand chose d'intelligent. David Gordon Green brode bien quelques trucs intrigants autour de la possession, mais le bonhomme ne va jamais au bout de ses idées.
  • Vincent Pelisse
    3/10 Simple comme nul
    Un démarrage complètement raté pour cette trilogie affreusement coûteuse, dont les deux prochains opus mériteraient de mourir dans l’œuf afin de décourager toute future démarche d’excavation de classiques du genre.
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