[CRITIQUE] Les Ombres persanes – Deux pour un

Le cinéma iranien est réputé pour sa richesse artistique et sa capacité à explorer des thèmes profonds et complexes. Dans cette lignée, Les Ombres persanes de Mani Haghighi offre une expérience cinématographique captivante qui explore l’identité et les relations humaines à travers l’intrigue des doppelgängers (apparition ou un double d’une personne vivante dans le folklore et dans la fiction) à Téhéran, en Iran. Ce film réussit à éviter les écueils souvent associés à ce genre, grâce à des performances puissantes, des effets spéciaux subtils et une réalisation astucieuse.

Taraneh Alidoosti et Navid Mohammadzadeh, de l’excellent Leila et ses frères, offrent des performances remarquables, parvenant à distinguer clairement les deux couples du film, tant sur le plan physique que psychologique. Grâce à de subtils changements d’expression et à un peu de maquillage, les deux acteurs se transforment en deux couples très différents. Farzaneh, interprétée par Alidoosti, est déprimée et avachie, tandis que Bita, également jouée par Alidoosti, est brillante et a le dos droit. Quant à Jalal, joué par Mohammadzadeh, il est dépeint avec des yeux brillants et un visage clair, contrastant avec son double, Mohsen, qui arbore constamment un froncement de sourcils et un rictus. Cette performance contribue grandement à l’immersion et à l’appréciation du film.

La réalisation de Mani Haghighi utilise des effets spéciaux subtils mais convaincants pour rendre crédibles les scènes où les doppelgängers se rencontrent. Les détails minutieux tels que les lignes de regard et les contacts physiques entre les personnages renforcent l’illusion de deux personnes distinctes. J’ai même dû vérifier que je ne regardais pas des jumeaux ! De plus, l’utilisation de l’espace contribue à l’avancement de l’intrigue et à la représentation métaphorique des relations entre les personnages. Des plans moyens serrés dans des voitures montrent que les personnages se rapprochent, tandis que des angles plus larges dans les hôpitaux soulignent la distance, physique et métaphorique, entre les autres. Cette maîtrise de la réalisation souligne le talent du réalisateur à raconter une histoire complexe de manière visuellement captivante.

Diaphana © 2023

Mani Haghighi utilise habilement des éléments visuels et sonores pour créer une atmosphère tendue et mystérieuse tout au long du film. La pluie et les orages constants qui s’abattent sur la ville pendant les événements du film ajoutent une dimension supplémentaire de mystère et d’oppression. La pluie ajoute au mystère, tout en agissant comme un obstacle supplémentaire que les personnages doivent surmonter. De plus, la musique du compositeur Ramin Kousha et les sons ambiants utilisés par le concepteur sonore Amir Hossein Ghasemi renforcent la tension et l’immersion du public dans l’histoire. Les percussions en arrière-plan sont utilisées pour faire monter la tension et synchronisées avec les battements du cœur du spectateur, tandis que les sons de la pluie, des moteurs de voiture et des matchs de football ancrent l’histoire dans une réalité palpable.

Les Ombres persanes est un film iranien captivant qui réussit à traiter le thème des doppelgängers avec brio. Les performances nuancées des acteurs, les effets spéciaux subtils, l’utilisation astucieuse de l’espace, les éléments visuels évocateurs et la musique immersive contribuent à faire de ce film une expérience cinématographique inoubliable. Mani Haghighi prouve une fois de plus la richesse du cinéma iranien contemporain. Pour les amateurs de cinéma et les passionnés de mystère, Les Ombres persanes est un véritable plaisir à découvrir.

Les Ombres persanes de Mani Haghighi, 1h47, avec Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh, Esmail Poor-Reza – Au cinéma le 19 juillet 2023.

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