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[CRITIQUE] Le Roman de Jim – Escalade d’émotions

Quand on pense aux frères Larrieu (Arnaud et Jean-Marie Larrieu), on se remémore souvent Tralala, une comédie musicale marquée par une douleur auditive incessante. Quelle surprise donc de découvrir leur dernier film, Le Roman de Jim, un objet de cinéma touchant, sincère et particulièrement doux. Nous y suivons Aymeric (interprété par Karim Leklou), qui retrouve Florence (Laetitia Dosch), une ancienne collègue, par hasard lors d’une soirée à Saint-Claude dans le Haut-Jura. Elle est enceinte de six mois et célibataire. À la naissance de Jim, Aymeric est présent, et ils vivent de belles années ensemble jusqu’au jour où Christophe, le père naturel et biologique de Jim, refait surface. Cela pourrait marquer le début d’un mélodrame, mais c’est aussi le point de départ d’une odyssée de la paternité.

Ce qui est remarquable ici, c’est la manière dont les cinéastes filment des situations dramatiques avec une authenticité désarmante. Les discussions sont posées, jamais enflammées, et même si le personnage féminin, Florence, peut sembler détestable dans ses décisions, celles-ci restent compréhensibles. La relation entre Aymeric et Jim est particulièrement émouvante; les deux semblent indissociables. Jim aime profondément Aymeric, malgré la détérioration de la relation entre ses parents. Ce dernier exprime clairement que leur union perdure principalement pour le bonheur de l’enfant. La décision de Florence de revenir avec le père biologique, Christophe (Bertrand Belin), qui a perdu sa femme et ses deux enfants dans un accident, bouleverse tout. Jim souhaite rester avec Aymeric au point de trouver le subterfuge de le désigner comme son parrain. Aymeric, quant à lui, ressent une profonde tristesse en voyant ce passé le hanter. Sa performance est particulièrement émouvante : souvent décrit comme un gars trop sympa, il n’a jamais été aussi juste dans ses émotions. Gentil, comme on le lui rappelle souvent, Aymeric a du mal à dire non, et nous ressentons le poids de ses consentements négatifs.

Copyright Pyramide Distribution

Le Roman de Jim transcende les attentes avec une exploration sincère de la paternité, où chaque émotion est capturée avec une douceur inouïe. Car oui, ce n’est pas vraiment l’histoire de Jim, mais celle de son père, un vagabond effacé, enchaînant des boulots sans espoir, un universitaire décrocheur aux manières douces, passionné de photographie et vivant dans un petit village du Jura, où les maisons sont dispersées dans les replis d’une vallée de montagne. La narration en voix off, particulièrement dans les premières sections, donne une saveur littéraire (comme le souligne le titre). « J’étais comme un acteur« , dit notre héros maladroit en voix off à un moment donné, soulignant un des thèmes majeurs de cette histoire douloureusement réaliste de gens ordinaires confrontés à des chagrins ordinaires : en fin de compte, tout ce que nous avons, ce sont les rôles que nous jouons. Les photos qu’Aymeric prend, mais qu’il ne peut rarement se permettre de développer, apparaissent à l’écran sous forme de négatifs en couleur, symbolisant la fragilité de la réalité et la manière dont la vie d’Aymeric est progressivement bouleversée par l’arrivée de Christophe.

Dans ce vide, Olivia (Sara Giraudeau), une professeure de français passionnée de danse, demande peu à Aymeric si ce n’est de l’affection et du soutien. Son indépendance est bienveillante, contrairement à celle de Florence, qui oscille souvent entre ouverture et égoïsme. Pendant ce temps, les paysages ruraux du Jura, filmés en lumière naturelle, passent de l’hiver enneigé aux cigales de l’été, indifférents aux malheurs humains, mais rassurant sur le fait que rien ne s’arrête longtemps. Le Roman de Jim est une traversée sincère et douce, où les émotions sont capturées avec une délicatesse rare, et où chaque interaction révèle la profondeur des sentiments humains. Ce périple émouvant explore les méandres de la paternité et de l’amour, où les frères Larrieu déploient avec une habileté exceptionnelle leur art de la narration et de l’émotion. Karim Leklou y brille, atteignant des sommets de virtuosité. Une ascension émotionnelle que l’on entreprendrait de nouveau avec plaisir.

Le Roman de Jim d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu, 1h41, avec Karim Leklou, Laetitia Dosch, Noée Abita – Au cinéma le 14 août 2024