Rechercher

[CRITIQUE] le Procès du Chien – De la Balle !

Pour son premier long-métrage, Laetitia Dosch sort les crocs avec Le Procès du Chien, une comédie politique qui tourne autour d’un procès extravagant visant à déterminer si un chien doit être euthanasié après avoir défiguré une victime. Ce scénario, qui pourrait facilement sombrer dans l’absurde ou rappeler des comédies désuètes comme Les Chèvres ! de Fred Cavayé, est abordé avec une audace certaine. Dosch tente le tout pour le tout pour ancrer ce procès dans la réalité, nous rappelant en voix-off, tant au début qu’à la fin, que l’histoire est inspirée de faits réels. Elle n’hésite pas à plonger tête la première dans le drame, nous conduisant gracieusement aux larmes avec un verdict final poignant.

C’est dans cette perspective que le long-métrage trouve toute sa pertinence, car il explore en profondeur la relation que les humains entretiennent avec les animaux, notamment les chiens, nos meilleurs amis. Le film pose des questions essentielles : certains considèrent les animaux comme des récipients de leur affection, sans se soucier de leurs besoins émotionnels, tandis que d’autres voient en eux des amis dignes d’une relation réciproque. Pourquoi, dès lors, condamner un animal à la mort après une morsure ? Pourquoi n’existe-t-il pas une justice pour ces situations ? En plaçant ces questions au cœur de la salle d’audience, Dosch nous invite à réfléchir et va même plus loin.

Elle incarne Avril Lucciane, une jeune avocate harcelée et humiliée par l’un de ses confrères, Jérôme (Pierre Deladonchamps), et obligée de trouver une affaire pour se faire un nom. Elle prend alors en charge le dossier de Dariuch (François Damiens), un homme précaire et malvoyant, qui refuse de voir son seul ami, son chien, être euthanasié. Avril est cependant perturbée par son adversaire, Roseline (Anne Dorval), une avocate aux arguments fallacieux et à l’esprit étriqué, rappelant les discours de certains chroniqueurs de CNEWS.

Copyright Bande à Part Productions

C’est dans ce tourbillon de personnalités et sur fond de défense des animaux que se déroulent les principaux débats politiques du film. Le mélange des profils, des motivations et des idéologies crée une dynamique riche, où chaque personnage apporte une dimension unique à cette comédie politique poignante et engagée. En effet, le débat ici revêt une dimension principalement féministe. Loin de comparer les hommes à des chiens, Dosch introduit Marc (Jean-Pascal Zadi), un expert en comportement animal, qui, au milieu de l’audience, relève que Cosmos (le chien) est misogyne. Cette remarque suscite de vifs débats au sein de l’hémicycle, fédérateurs et passionnés, que la sphère médiatique s’empresse de relayer. La partie civile tente de détourner la réflexion vers des sujets périphériques, une démarche que sa cliente, visible à l’écran, abattue et touchée, ne soutient pas. La grande intelligence du Procès du Chien réside sans doute dans sa capacité à mettre en lumière non seulement les animaux, innocents et parfois rendus violents par l’Homme, mais surtout le combat de femmes venues défendre des intérêts durement acquis au fil de l’histoire.

Dosch réussit ainsi à créer une œuvre qui ne se contente pas de divertir mais qui invite également à une réflexion profonde sur la justice, l’éthique et la place des femmes dans la société. On peut y voir en Avril, celle qui veut se libérer de l’emprise des hommes (son confrère qui l’humilie) et faire évoluer leurs pensée (ce qu’elle fait avec le premier juge d’instruction). Roseline plus âgée, celle complètement acquise à la cause masculine, qui s’est battue à une époque mais qui, face à la popularité gagnée en propulsant des idées ambiguës (et de leurs camps), n’a cessé de parler pour se faire mousser. Puis on la la victime de la morsure, Lorene (Anabela Moreira) défigurée au niveau de la bouche qui cherche juste à effacer cette blessure avec une chirurgie esthétique réparatrice dont elle n’a pas les moyens de se payer.

Le Procès du Chien est bien plus intelligent qu’il n’y paraît. En plus de faire rire, il aborde avec justesse et malice plusieurs sujets complexes. C’est une comédie politique qui, sous des airs légers, invite à une réflexion profonde sur la justice, l’éthique, et la place des femmes. Ce n’était pas gagné d’avance, pourtant.

Le Procès du chien de Laetitia Dosch, 1h23, avec Laetitia Dosch, François Damiens, Pierre Deladonchamps – Au cinéma le 11 septembre 2024