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[CRITIQUE] Le Petit Nicolas – Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? – Un hommage nostalgique à Goscinny et Sempé

Jean-Jacques Sempé est l’auteur du Petit Nicolas, une bande dessinée centrée sur l’enfance du personnage titulaire. Au fil des décennies, cette bande dessinée est devenue un roman graphique, une adaptation en comédie et maintenant un film d’animation réalisé par Benjamin Massoubre et Amandine Fredon, la fille de René Goscinny, le scénariste et co-créateur du Petit Nicolas, et on peut voir Le Petit Nicolas – Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? comme une tendre lettre d’amour à la vie et à l’œuvre de son père.

Une grande partie du film de Massoubre et Fredon reste fidèle au matériau d’origine, reprenant la décontraction, la légèreté de l’humour et l’atmosphère amicale de la bande dessinée. Cependant, le film oscille constamment entre deux extrêmes : il veut conserver l’insouciance de la représentation de l’enfance dans la France des années 50, mais il refuse d’être exactement comme les bandes dessinées originales. Au début, nous assistons à des versions animées de Sempé (avec la voix de Laurent Lafitte) et de Goscinny (Alain Chabat) qui discutent de la création de Nicholas lui-même. Tout se passe en l’espace de quelques minutes : les deux hommes discutent autour d’un vin rouge, choisissent le nom du garçon après l’avoir lu sur le flanc d’un bus, et le reste appartient à l’histoire.

© 2022 Onyx Films – Bidibul Productions – Rectangle Productions – Chapter 2

Au début, nous avons l’impression de recevoir un contexte historique charmant, même s’il est léger, mais nous assistons périodiquement aux discussions entre Nicolas et Sempé, ce qui ajoute une note nostalgique au film, qui se double également d’une méditation sur ce que l’art signifie et fait. À la fin du film, nous apprenons que la vie de Sempé et Goscinny se poursuivra à travers le personnage de Nicolas – un point évident, mais d’autant plus fort que Goscinny est mort en 1977.

Les réflexions de ce genre sont gentilles mais beaucoup trop explicatives. Il est logique que ces choses soient éclaircies de manière directe puisqu’il s’agit d’un film destiné aux enfants, mais le résultat est une confusion des objectifs du film. Le film n’essaie certainement pas d’avoir les poncifs les plus profonds sur le créateur et la création que l’on trouve dans Le Tableau de Jean-François Laguionie, mais il n’est pas non plus à l’aise pour être simplement une adaptation de la bande dessinée du Petit Nicolas, comme Winnie l’Ourson (2011) ou Ernest & Célestine. Ce tiraillement fait que les différentes histoires du film, parfois sans lien entre elles, semblent plus décousues qu’elles ne le devraient.

© 2022 Onyx Films – Bidibul Productions – Rectangle Productions – Chapter 2

Le résultat final est donc une nostalgie sur une nostalgie – Le Petit Nicolas était, d’une certaine manière, une vie idéalisée que ses créateurs auraient souhaité avoir, eux et d’autres (au cours d’une séquence, on nous parle de l’occupation nazie de Paris et de son impact sur la vie de Goscinny). Le film sépare les parties consacrées au Petit Nicolas de celles qui mettent en scène Sempé – il y a des taches de couleur à l’aquarelle dans les premières – mais cherche vraiment à nous faire comprendre l’interdépendance de tout cela. Ce contraste entre une vision idéalisée de l’enfance et la vie réelle ne fait que donner le sentiment d’être constamment interrompu.

Le plus grand défaut de Le Petit Nicolas – qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? est qu’il n’est jamais aussi irréprochable que le matériau dont il s’inspire. Néanmoins, c’est un film familial qui peut parfois être très émouvant quand il parle de ses auteurs d’origine et pédagogique pour les plus jeunes spectateurs. Une recommandation sans en douter, mais avec quelques problèmes vraiment dérangeants.

Le Petit Nicolas – qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? de Amandine Fredon et Benjamin Massoubre, 1h26, avec Alain Chabat, Laurent Lafitte, Simon Faliu – Au cinéma le 12 octobre 2021.