[CRITIQUE] La Vraie famille – Accepter la séparation

Deuxième film de Fabien Gorgeart après Diane a les épaules qui est passé inaperçu malgré de bons retours critiques, La Vraie famille semble être le long-métrage qui va le révéler au public. Inspiré par les souvenirs du réalisateur, dont la mère était assistante familiale et a élevé un enfant placé qui a dû repartir à l’âge de 6 ans, ici, on y suit Anna (Mélanie Thierry), heureuse avec son mari (Lyes Salem), ses deux garçons et Simon, enfant placé chez eux depuis ses 18 mois par l’aide sociale à l’enfance… Jusqu’à ce que le père de ce dernier exprime le souhait de récupérer la garde de son fils désormais âgé de 6 ans. C’est avec un peu de mélodrame mais aussi beaucoup de tendresse que le long-métrage nous emmène dans une terrible et belle histoire d’amour entre une mère de substitution et son enfant (“adopté”). 

Dire cela révèle tous les partis pris introductifs puisque Fabien Gorgeart nous pose des questions pendant un quart d’heure avec beaucoup de malice. L’enfant a-t-il une maladie ? Comment fonctionne cette famille ? Divorce ? Les spectateurs non informés hésitent jusqu’à ce qu’ils obtiennent une réponse plus claire plus tard. Avec l’inévitable déchirement que cela implique. Gorgeart évite ici tous les pièges dressés sur son chemin. Celui d’un film qui se limiterait à son seul sujet où le sociétal prendrait le pas sur le cinéma au point de l’étouffer. Celui d’un sujet si personnel qu’il aurait été difficile de le transcender pour tendre vers plus d’universel. Celui d’une histoire manichéenne divisant son personnage en bons et méchants. La Vraie Famille est précisément l’inverse : un petit bijou d’écriture tant dans la manière dont son intrigue avance que dans la psychologie de ses personnages. Humains, terriblement humains, avec tout ce que cela comporte en matière de générosité et d’égoïsme confondus. Gorgeart n’explique rien et on comprend tout. Il ne justifie aucune position que l’on pourrait trouver violente car il laisse les personnages aller au bout de leur logique. Son casting épouse cet art de la subtilité. Mélanie Thierry, impressionnante. Le trop rare Lyes Salem excelle dans le rôle de son mari et Félix Moati trouve dans le rôle du père de l’enfant un personnage auquel il apporte immédiatement une sympathie et une empathie qui contribuent à complexifier le propos. 

© Mmxxi – Tous Droits Réservés – Deuxieme Ligne Films – Petit Film
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Comment raconter cette histoire tragique tout en gardant une certaine distance ? C’est ce qu’a tenté (et réussi) Fabien Gorgeart avec ce film, qui reflète avec justesse et sans parti pris les difficultés et les souffrances auxquelles tous les protagonistes sont confrontés. L’enfant, la famille d’accueil, le père… Tous doivent traverser les bouleversements qui font rage à ce moment douloureux qu’est la séparation. En accueillant Simon, Anna exerce un métier. Mais comment rester à sa place ? Le film montre la relation fusionnelle de la jeune femme avec Simon, qui passe par le corps, les regards, les gestes, puis la douleur de la séparation, au plus fort de cet attachement, fort et viscéral. La caméra capte également la complicité de Simon avec ses ” frères “, et le père de sa famille d’accueil, si bienveillant, si juste dans sa relation avec l’enfant, mais aussi la raideur de Simon lorsqu’il est avec son ” vrai ” père qui est “comme un oncle qu’il voit de temps en temps”.

Grâce à son scénario parfaitement équilibré, Fabien Gorgeart offre à chaque acteur une place prépondérante dans l’histoire où l’équilibre est finement trouvé. Grâce à sa finesse narrative, au questionnement, à l’exploration des thèmes de l’attachement et de la filiation et du sens de la famille, Fabien Gorgeart signe une œuvre remarquée, intense en termes de forte émotion et dont on ne sort pas indemne.

Note : 4 sur 5.

La Vraie famille disponible à l’achat et à la location sur viva.videofutur.fr

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