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[CRITIQUE] La Maison du Mal – Métamorphoses de l’horreur

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Par Enzo Durand

La Maison du Mal (ou Cobweb en version originale) est un film d’horreur américain réalisé par le cinéaste français Samuel Bodin, qui signe ici son premier long-métrage. On connaît le réalisateur pour son travail sur la série fantastique française Marianne, que nous apprécions à sa juste valeur, étant une histoire d’horreur originale se déroulant dans la campagne de l’ouest français. Pour son premier film, il s’entoure d’une production américaine et de deux acteurs renommés, Anthony Starr et Lizzy Caplan, dans le rôle des parents d’un jeune garçon perturbé. En effet, Peter, l’enfant, est tourmenté par de nombreux cauchemars à cause de sons étranges qu’il entend dans les murs de sa maison et de harcèlement répété à l’école. Se pose alors la question de savoir si ces événements sont le fruit de son imagination débordante ou s’ils ont une origine paranormale. La Maison du Mal est-elle aussi clichée que son titre français ? Nous allons découvrir la réponse sans tarder.

Le film débute comme un classique du genre d’horreur, mais qui, une semaine après l’avoir vu, est vite oublié. Il met en place le dilemme de la santé mentale du protagoniste et une énigme mystérieuse. Dans sa première partie, Samuel Bodin installe une routine horrifique qui fonctionne efficacement. Chaque nuit, nous assistons à la rencontre entre Peter et la voix dans les murs, en émettant plusieurs théories sur l’origine de ces événements. Le lendemain, nous observons les conséquences de ces nuits d’insomnie. Peut-être une âme en peine ? Un fantôme maléfique ? Ou peut-être un secret gardé par les parents ? Toutes ces hypothèses sont valables jusqu’à ce qu’un événement perturbateur survienne, isolant ainsi le jeune Peter de l’école. C’est à ce moment-là que le film devient passionnant, osant sortir des sentiers battus. En quelques minutes, cette histoire paranormale classique se transforme en huis-clos horrifique, abordant le thème des parents violents et de la maltraitance infantile. Ce double-jeu surprenant tisse des liens entre l’horreur fantastique que nous imaginions et la triste réalité dont souffre Peter.

Même dans cette seconde partie, le film continue de nous faire constamment réfléchir aux révélations à venir. Que cachent les parents ? La voix provient-elle réellement de l’imagination de Peter ? Le doute et les questionnements sont constants, conférant à La Maison du Mal une ambiguïté passionnante. En jouant avec les codes du conte, notamment esthétiquement avec ses magnifiques jeux de lumière, Samuel Bodin altère l’imaginaire enfantin. Il filme les parents en contre-jour, de la même manière qu’il représenterait des créatures terrifiantes. Tout cela sert un but précis : transformer cette seconde partie en huis-clos où le jeune Peter doit se méfier de tout le monde, et le spectateur se trouve ainsi impliqué dans son comportement. Le film se fixe à nouveau dans un cadre précis, avec des personnages clichés tels que l’institutrice veillant sur l’enfant ou les harceleurs cherchant à se venger en dehors de l’école, le tout dans le but de nous induire en erreur quant au véritable genre du film. En effet, toute cette préparation ne vise pas à nous faire vivre le climax habituel d’un huis-clos, mais au contraire à nous surprendre à nouveau en métamorphosant une fois de plus le concept du film. Dans une troisième et dernière partie sanglante, Samuel Bodin fait de son long-métrage un slasher et un home invasion brutal. Les réponses à toutes nos questions sont délivrées rapidement, afin de se débarrasser de l’intrigue et de profiter enfin des possibilités de son concept.

C’est quoi le cinéma de Samuel Bodin ? Bien évidemment, ce premier long-métrage souffre des défauts classiques d’une première réalisation. Le scénario est parfois lourd et certaines scènes horrifiques sont bien trop sombres, ce qui semble être une solution de facilité. Cependant, ce que l’on retient surtout, c’est ce cinéma horrifique qui se métamorphose constamment pour jouer avec nos convictions. Nous sommes constamment perdus, et donc dans les meilleures conditions pour être terrifiés par ce train fantôme qui ne s’arrête jamais. En 1h30, Samuel Bodin enchaîne les situations anxiogènes, que ce soit avec une créature grimpant aux murs ou face à des parents violents. Tout se mélange sans cesse pour créer un divertissement horrifique réussi. Sur le plan esthétique, il crée plusieurs plans qui resteront en tête pendant bien des nuits, notamment en représentant les antagonistes comme des ombres. N’oublions pas que l’on ne peut jamais semer des ombres, elles nous collent à la peau pour toujours.

La Maison du Mal de Samuel Bodin, 1h28, avec Lizzy Caplan, Antony Starr, Cleopatra Coleman – Au cinéma le 19 juillet 2023.

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