[CRITIQUE] La Gravité – Ce n’est pas grave

Dans La Gravité, un petit film de banlieue standard mélangé à de minces éléments de science-fiction, qui, malgré ses efforts pour réinventer les codes du genre, semble tout à fait banal. Un pas en avant quelque peu ambitieux pour le cinéaste franco-burkinabé Cédric Ido, le film fait miroiter une poignée de thèmes sur la loyauté et la fraternité au sein de la classe marginale, mais ne s’y engage jamais suffisamment pour avoir quelque chose de pertinent à dire.

Les temps peuvent changer, mais le code de la rue de la banlieue de Stains, en France, reste le même : rester fidèle à son territoire et ne jamais tourner le dos au voisinage. C’était du moins le cas lorsque Daniel (Max Gomis), son frère Joshua (Steve Tientcheu) et Christophe (Jean-Baptiste Anoumon) étaient les maîtres des lieux. Mais des années ont passé depuis l’accident d’enfance qui a laissé Joshua paralysé sous la ceinture et le frère de Christophe mort. De retour chez lui après un séjour en prison, Christophe est mécontent de découvrir que le trafic de drogue est désormais géré par une nouvelle bande de jeunes qui s’autoproclament rōnin (“samouraïs sans maître”). Ce surnom s’applique à leur approche collective du leadership partagé, où chaque membre est habilité à prendre ses propres décisions, sachant qu’il sera soutenu par sa bande. Leurs objectifs sont également philanthropiques, les rōnin utilisant leurs gains pour améliorer leur quartier, au lieu de les gaspiller en biens personnels.

© Caroline Dubois

Tout cela ne convient pas à Christophe, un dealer de la vieille école qui veut récupérer son territoire, même s’il doit le faire lui-même. Il n’obtiendra certainement aucun soutien de Daniel, un coureur qui s’entraîne pour une importante compétition à venir, tout en préparant secrètement un déménagement au Canada avec sa petite amie et sa fille. C’est une nouvelle qu’il n’a pas partagée avec Joshua, qui poursuit dangereusement son trafic de drogue sauvage en marge du territoire des rōnin. Et bien qu’il puisse sembler vulnérable en menant ses affaires depuis un fauteuil roulant, c’est un passionné de matériel qui a truqué son fauteuil avec des fonctionnalités secrètes, tout en travaillant sur un projet clandestin dans le sous-sol de son immeuble. Mais lorsqu’il a besoin d’un coup de main, Daniel intervient, tout en restant déchiré entre ses devoirs de frère et la possibilité de mener une vie honnête.

Avec une histoire établie pour mener à la collision inévitable et prévisible entre les principaux acteurs, Ido cherche à apporter une touche de nouveauté à l’histoire typique de la banlieue. Le cinéaste peint le ciel en rouge, plaçant l’histoire sur la toile de fond d’un événement astronomique mystérieux et sans précédent, un alignement des planètes qui a des conséquences inattendues sur les terriens. Sauf que les enjeux exacts de cet événement sont vaguement définis, ne s’imposant qu’occasionnellement, de manière fugace et largement insignifiante. La seule chose qu’il a vraiment changée, c’est de semer la pagaille dans les cerveaux des rōnin habituellement lucides, qui sont maintenant “devenus mystiques” et lancent un plan choquant pour apaiser les dieux de la galaxie.

© Caroline Dubois

En écrivant son scénario, Ido semble plus à l’aise pour présenter le fouillis d’idées du film que pour les approfondir. Les lois non écrites qui régissent la sortie de la banlieue sont liées à des questions de race et de classe qui sont traitées au mieux de manière superficielle. L’indécision de Daniel quant à l’endroit où il doit mettre son allégeance est également peu soignée, et n’est pas aidée par l’esquisse partielle de la relation avec sa petite amie. Quant à la réaction des rōnin aux changements de planètes au-dessus, on ne sait pas s’il est censé faire écho aux voix de ceux qui sont en marge de la pandémie du COVID-19 et qui se passionnent pour les conspirations. De plus, Ido n’explique pas pourquoi ces jeunes – présentés dans le film comme plus intelligents et plus fiables que leurs prédécesseurs – sont tombés dans l’occultisme. Du scénario à la production, on retrouve ce même sentiment de superficialité. Le film est visuellement assez banal, même avec un événement cosmique en arrière-plan, et les performances sont suffisamment fiables pour faire avancer l’histoire, mais le matériau n’offre à aucun des acteurs la possibilité de le façonner avec un sentiment ou une dimension quelconque.

“La gravité dirige le cours de tout dans l’univers”, déclare le film, mais elle ne peut guère faire bouger quoi que ce soit dans ce film. La Gravité est alourdie par un manque d’ambition, l’histoire ne demandant qu’à ses éléments fantastiques de redéfinir ce que nous savons de la banlieue et des systèmes qui maintiennent perpétuellement ses résidents en place.

Note : 2 sur 5.

La Gravité de Cédric Ido, 1h26, avec Jean-Baptiste Anoumon, Steve Tientcheu, Olivier Rosemberg – Au cinéma le 3 mai 2023.

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