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[CRITIQUE] Knock at the Cabin – Le retour de Shy

Le simple nom de Shyamalan suffit aujourd’hui à faire frissonner le monde du cinéma. Les cinéphiles qui, bien évidemment attendent avec impatience ses films, mais également les producteurs qui redoutent qu’une fois de plus le cinéaste fasse un flop. Il est bien là tout le paradoxe M. Night Shyamalan, celui qu’on appelait le « nouveau Spielberg » après ses Sixième Sens ou Incassable est devenu bien moins apprécié en enchaînant les After Earth, The Visit ou encore Old. À chaque nouvelle sortie le public se demande face à quel Shyamalan il a affaire : le prodige ou le yes-man. Et cette fois-ci avec Knock at the Cabin, film d’épouvante au concept intéressant, nous nous posons une fois de plus la question : ce film signe-t-il le grand retour du cinéaste ? Et comme souvent avec Shyamalan la réponse n’est pas si simple, peut être même qu’un dernier twist nous attend.

M. Night Shyamalan scénariste, acteur, producteur et réalisateur

Après quinze ans d’attente pour le retour du réalisateur depuis son glaçant Phénomènes ce dernier revient avec un film au concept étonnant. Une famille retenue en otage par quatre individus atypiques qui les mettent face à un terrible choix : sacrifier l’un des leurs ou l’humanité toute entière disparaitra. On va le dire directement, Knock at the Cabin est un film plaisant. Pas le meilleur des Shyamalan mais en tout cas l’un de ses plus réjouissants depuis les quinze ou vingt dernières années. Cette réussite provient en grande partie du concept, simple à comprendre et pourtant regorgeant de subtilité. De ce choix cornélien les personnages vont se découvrir et s’affronter à la fois sur des questionnements idéologiques, mais aussi des affrontements purement physiques. Ces personnages composent justement la grande force de ce nouveau cru shyamalien. Personnages que l’on compte parmi les meilleurs que le cinéaste ait pu écrire, ces derniers rencontrent des évolutions et mêmes questionnements assez captivants. De plus, l’idée de prendre des interprétations à contre-courant de leurs physiques est d’un intérêt remarquable. Ainsi Dave Bautista est excellent une fois de plus, ici dans le rôle d’un professeur des écoles poli et calme, contrastant avec la montagne de muscles qu’il est. Rupert Grint à l’inverse incarne un personnage surexcité et violent ce qui surprend et donc créé constamment une tension. Du moins, dans une première partie de Knock at the Cabin.

Première image pour Les Gardiens de la Galaxie vol.3 – © Universal Studios

Le principal défaut du film est justement la différence de rythme et de tension entre la première moitié et la seconde. Ce nouveau long-métrage commence immédiatement par installer une tension palpable, notamment en étirant des scènes de dialogues qui créent à la fois un malaise et un sentiment de danger. L’interprétation y est pour beaucoup certes mais s’ajoute à cela le cadrage atypique du film qui, en laissant des espaces vides dans le plan, donnant constamment lieu à un sentiment étrange de manque. On passe une grande partie du film à se poser des questions, à douter de chaque personnage mais également de ce qui va suivre. Ce genre de suspens créateur de tension et de fausses pistes, nous les retrouvons à de multiples reprises dans les œuvres de Shyamalan, mais ici la tension dépasse même le scénario du film puisque nous en venons à nous demander face à quel genre de films sommes-nous ? Knock at the Cabin possède des caractéristiques propres aux huis-clos bien sûr et pourtant également aux films de catastrophe. Toute la question va être de savoir si le film est un thriller psychologique ou un grand film catastrophe, de cette réponse dépend ainsi du sort des personnages. D’autant plus qu’en tant que spectateurs, on rajoute inconsciemment un autre genre à ce film : les films à twists. La réputation de Shyamalan le précède forcément et on essaye de deviner quel sera le prochain retournement de situation du cinéaste. L’ensemble de ces attentes, ces interrogations ou ces doutes créent donc dans la première partie de l’œuvre une tension angoissante, pourtant dès la deuxième partie le bât blesse.

Dave Bautista affrontant un sosie de Macron – © Universal Studios

La seconde partie du film rentre dans une forme de routine horrifique lassante, tout simplement car elle suit le plan énoncé au départ. Et très vite le manque de surprises vient ternir l’ensemble du long-métrage qui y perd de son intérêt. Certes, Knock at the Cabin est toujours intéressant pour sa manière de remanier les thèmes chers à l’auteur tels que la foi, qui est au cœur du récit avec un questionnement sur les croyances, comme souvent dans la filmographie du réalisateur. Et plus largement sur le rapport que les personnages shyamaliens entretiennent avec le fait de croire (des fausses vérités, des religions, des pouvoirs mystérieux ou encore de croire à des discours fallacieux). Ici cette idée imprègne l’ensemble des personnages, que ce soient les antagonistes, métaphores des cavaliers de l’Apocalypse ou les protagonistes qui doivent remettre en cause tout ce qu’ils croient. D’autres thématiques shyamaliennes sont également de retour comme l’environnement, qui, une fois de plus reprend le contrôle sur une humanité orgueilleuse, ou encore la famille, dont les liens sont questionnés entre deux « groupes familiaux » différents dans le film. Même si Knock at the Cabin est intéressant à replacer dans la filmographie entière du réalisateur il reste tout de même un de ses films mineurs, étant donné son manque de surprise et d’audace. Son concept n’est jamais plus qu’une idée mal utilisée et surtout pas assez utilisée.

C’est quoi le cinéma de M. Night Shyamalan en 2023, et surtout est-ce enfin le retour tant attendu ? Comme souvent la réponse est mitigée. Certes c’est l’un des meilleurs films du cinéaste depuis une quinzaine d’années et pourtant celui-ci reste une fois de plus un film peu mémorable, un simple high concept horrifique comme il s’en trouve des dizaines chaque année. L’époque du grand Shyamalan, le soi-disant hériter d’un cinéma Spielbergien, semble désormais complétement révolue. L’enchainement d’excellents films qu’a pu écrire et réaliser le cinéaste il y a maintenant une vingtaine d’années n’était peut-être que le fruit de la chance et de coïncidences. Ou peut être qu’il nous réserve, une fois encore, un ultime twist dans lequel il reviendra sur le devant de la scène.

Knock at the Cabin de M. Night Shyamalan, 1h40, Dave Bautista, Jonathan Groff (II), Ben Aldridge – Au cinéma le 1 février 2023