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[CRITIQUE] Blue Beetle – Toute petite bête

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Par JACK

La position de Blue Beetle est particulière, presque ambiguë. Comme si James Gunn, nouveau patron des adaptations de comics et producteur de celle-ci, entretenait consciemment le flou pour sauver les meubles. L’univers cinématographique DC est encore en phase d’évacuation, à purger le reste des projets pré-reboot attachés de près ou de loin au Man of Steel de Zack Snyder. Le film d’Angel Manuel Soto s’insère dans ce contexte houleux, entre produits-prétextes (The Flash et sa promesse de redémarrage) et lancement d’une nouvelle saga (le prochain Superman : Legacy). Difficile donc de peser les enjeux concrets de Blue Beetle, vendu par Gunn comme le premier morceau de son projet « Gods and Monsters », mais pas vraiment.

Le script, lui, est moins embrouillé : un jeune diplômé se voit confier une relique extraterrestre lui conférant des super-pouvoirs. Un socle dramatique que le genre exploite sans vergogne depuis un paquet d’années, mais que le réalisateur portoricain – dont c’est le premier blockbuster – aurait pu investir de sa fraîcheur. Certes, sa modestie de téléfilm lui confère un charme que Shazam! 2, Black Adam et compagnie n’auraient pu envisager, compte tenu de leurs milliards de trucages (immondes) et du calibre de leurs intrigues respectives, toutes plus délirantes. Et certes, son indépendance vis-à-vis du reste des épisodes fait souffler un vent de nostalgie sur un cinéma ayant basculé dans l’hyper-connexion de ses franchises. Mais passé la singularité de son humble production, due au fait qu’il était initialement pensé pour remplir le catalogue HBO Max et non concourir en salles, Blue Beetle se plante sur la question de l’originalité en régurgitant les banalités de l’origin story super-héroïque et ne peut se vanter que de remplir son pauvre cahier des charges, puant de stéréotypes.

© Warner Bros. Entertainment

À la vue de ce spectacle au mieux divertissant, si bavard quant aux valeurs familiales qu’il rendrait cinglé le Vin Diesel de Fast & Furious, il apparaît que les équipes de DC Studios ont bien révisé leurs classiques. Les séquences de vol émulent celles du Superman de Snyder, la combinaison du rôle-titre est fournie avec les gros plans des films Iron Man, l’avalanche d’humour et la place forte du communautarisme réveillent les souvenirs de Black Panther et Shang-Chi, mais c’est au Spider-Man de Sam Raimi que le long-métrage doit le plus. Inspiré jusqu’à sa plus petite molécule, de la structure classique donnée à son scénario aux fonctions de ses personnages, en passant par la ressemblance évidente des costumes insectoïdes, Blue Beetle renonce fermement à toute identité pour se fondre dans la masse blockbusteresque, et pire : tomber dans la mare de la ringardise.

À constamment invoquer le passé, le film affiche quinze ans de retard au compteur, incapable de produire quoi que ce soit de neuf ou de stimulant, prisonnier des chemins balisés qui ont servi de bases à tant d’autres. L’intrigue ne se préoccupe même pas du mythos entourant son héros aux dons cosmiques, qui se suffit ici de copiner avec son armure intelligente comme Peter Parker apprivoisait ses pouvoirs sur les toits de New York, la satisfaction en moins. La comparaison est d’ailleurs douloureuse à tous les étages : si l’adaptation de Raimi se divisait en protagonistes hauts en couleur, scènes de combat intenses et glissements de caméra invraisemblables, Blue Beetle ne repose sur aucun de ces fantastiques ressorts, tourné à la manière de n’importe quelle fanfaronnade hollywoodienne (malgré la présence du chef opérateur de Midsommar) et surprenamment mal interprété. La palme du cabotinage revient sans hésitation à la pourtant formidable Susan Sarandon, ici dans les chaussons d’une cheffe d’entreprise vicelarde dont la partition ne repose que sur une extraordinaire xénophobie. La bonhomie de Xolo Maridueña, connu pour sa participation à la série télévisée Cobra Kai et sous le masque de Blue Beetle, rend la chose plus supportable, l’acteur confirmant son implication à chacune de ses répliques en dépit du manque de répondant d’un casting (probablement) largué. En définitive, dans l’entre-deux des sagas, le scarabée se sera fait écraser par son absence de cran.

Blue Beetle de Angel Manuel Soto, 2h08, avec Xolo Maridueña, Bruna Marquezine, Susan Sarandon – Au cinéma le 16 août 2023.

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