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[CRITIQUE] Beauty Water – La beauté ne fait pas tout

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Par Louan Nivesse

Avec l’avènement des technologies de l’information, notre ère a également été marquée par l’avènement des réseaux sociaux, ouvrant ainsi les portes à une nouvelle ère de l’individu, non plus évalué de manière modeste par lui-même, mais soumis au jugement d’un public plus vaste. Les blogs dédiés à la beauté ainsi que la montée en flèche de la demande, légitimée économiquement, de perfectionnement de soi ont fourni aux sociétés enclines à évaluer les individus sur leur apparence une plate-forme idéale pour s’engager dans cette entreprise. Cette évolution pourrait bien mener à une société moins tolérante et plus conformiste. Récemment, plusieurs œuvres ont cherché à éclairer la relation de plus en plus problématique entre une culture axée sur la superficialité, les traditions et le patriarcat. Dans son œuvre cinématographique animée, Beauty Water, Cho Kyung-hun aborde des thématiques similaires, mais opte pour un cadre de genre afin d’explorer plus en profondeur les interconnexions entre les médias sociaux, leur obsession pour la beauté, et leur influence sur la perception individuelle.

Depuis que son rêve de devenir danseuse de ballet s’est brisé, Yaeji a trouvé refuge dans l’ombre de la renommée des autres, acceptant un emploi de maquilleuse pour Miri, l’une des célébrités les plus en vue de Corée du Sud. Victime fréquente de l’intimidation de la part de Miri en raison de son obésité, Yaeji subit également le mépris des passants dans la rue ainsi que de ses propres parents, du moins c’est ainsi qu’elle le ressent. Après avoir été contrainte de jouer un petit rôle dans l’un des tournages de Miri, elle est tournée en dérision en ligne, plongeant Yaeji dans une retraite de plusieurs mois dans sa chambre, tandis que ses parents tentent désespérément de la faire sortir. Un jour, elle reçoit un e-mail concernant la Beauty Water, une lotion censée rendre la peau suffisamment souple et lisse pour être modelée selon les désirs de chacun. Désespérée de changer son apparence, Yaeji décide de l’essayer et est stupéfaite de constater que son visage s’est effectivement amélioré. Cette transformation la pousse à vouloir changer le reste de son corps, la conduisant à commander davantage d’eau de beauté et à adopter un nouveau nom pour se distancer de son ancienne identité obèse. Cependant, cette quête de beauté a un prix, pas seulement sur le plan financier.

© 2020 SS Animent INC & Studio Animal & SBA.

Bien que l’on puisse être tenté de considérer le corps et l’identité comme indissociables, dans une société de plus en plus axée sur la superficialité, cette notion est loin de la réalité. Le scénario de Lee Han-bin aborde ce sujet en montrant comment les regards et les jugements extérieurs creusent le fossé entre l’individu et son corps, poussant ainsi le personnage à adopter un nouveau nom correspondant à sa nouvelle apparence physique. L’ancienne identité, toujours présente en elle, devient alors le véritable monstre, l’ennemi à abattre, une entité aux yeux rougis et vorace dans ses cauchemars. Ici, l’obsession pour la beauté se confond avec une obsession pour le corps, celui-ci devenant l’ennemi de l’image idéale de soi que l’on recherche. En substance, Beauty Water est un authentique body-horror, s’apparentant aux premières œuvres de réalisateurs tels que David Cronenberg. Bien qu’aucun parasite ne pénètre le corps du protagoniste, celui-ci se métamorphose pour atteindre une forme qui représente à la fois son image idéale de soi et les standards de beauté auxquels aspire le public. Cho Kyung-hun met en lumière comment l’obsession pour la beauté engendre des troubles psychologiques, créant ainsi un fétiche problématique pour le corps, constamment soumis à un “entretien” ou une “optimisation”, devenant ainsi un autre “obstacle invisible” pour le personnage, car chaque corps a ses limites.

Beauty Water constitue une incursion fascinante dans le sous-genre du body-horror. À partir d’une prémisse intrigante, le réalisateur explore la relation entre la beauté et l’identité, lançant ainsi une déclaration audacieuse sur une tendance dont les répercussions s’étendent bien au-delà de son pays d’origine. Bien que le film brille par son sous-texte, il est néanmoins entravé par sa simplicité d’animation, trop modeste pour le sujet qu’il aborde.

Beauty Water de Kyung-hun Cho, 1h26 – En VOD le 17 mars 2022

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