[CRITIQUE] Bad luck banging or Loony Porn – Satire a caractère pornographique

“L’ hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour des vertus.”

Molière, Dom Juan

Radu Jude mets en exergue cette citation et l’explose à notre rétine.

Bad luck banging or Loony porn est le nouveau long métrage du cinéaste roumain Radu Jude. Il met en scène le destin d’une professeure de collège, victime de la publication en ligne de sa sextape réalisée avec son mari. Ses élèves ayant vu la vidéo en question, elle se retrouve confrontée aux regards des parents, devenus les juges de sa sexualité et les bourreaux de sa situation professionnelle. Soyons franc. Vous ne verrez jamais ce film au cinéma dans le circuit classique (hors art et essai). Le film est constitué à 20% d’images pornographiques. Difficile alors de diffuser en salle grand public un film interdit aux moins de 16 ans ou 18 ans quand on ne s’appelle pas Lars Von Trier. Et quel dommage! Radu Jude livre une satire sociale provocante et jouissive sur les dérives de notre société et de son hypocrisie face à la sexualité.

Découpée en trois segments, l’œuvre nous fait tout d’abord suivre le parcours à travers la ville d’une femme perdue face à ce qu’on lui reproche : avoir commis un acte horrible et dépravé. Et tout cela face à une population qui, au moindre petit emportement, se dédouane de toute situation encouragent paradoxalement notre héroïne à deux choix : “aller se faire mettre” ou “sucer des bites”. Ce premier segment esquisse le propos global du film sur l’hypocrisie. Celle de notre rapport au sexe et de notre faux puritanisme, que ce soit notamment au travers des diverses insultes lancées à tout va ou à la publicité et sa mise en avant d’une sexualité explicite pour vendre. Cette première partie est le “ventre mou” du film. Tourné en plein COVID, on sent que le réalisateur a fait face à un certain empressement lors de la réalisation en extérieur de cette séquence. Les déambulations de la professeure dans la ville sont filmées de la même manière et selon les mêmes effets de caméra, répétant sans cesse un schéma de réalisation désagréable : un plan sur le personnage, la caméra la suit dans un panoramique, puis s’arrête face à un nouvel objet, événement mettant en exergue le dialogue du film. Cette réalisation peu subtile peut par moments agacer. Cependant, elle s’inscrit dans la narration du film en créant une perdition semblable à celle de notre personnage au travers de sa balade. Maladroit, mais efficace.

Elle ne sait pas quoi faire face au COVID.

La seconde partie est très didactique. Radu Jude nous livre un dictionnaire cinématographique avec la mise en images des thèmes principaux du film. On assiste alors à un défilé d’images tantôt drôles, tragique, touchantes, avec des propos, des anecdotes et des faits divers. Si ce segment est le plus didactique, c’est aussi le plus hypnotisant, Radu Jude teste l’efficacité de sa réalisation avec des effets de style, des plans, des hommages divers, tout en appuyant le propos du film. Le réalisateur n’hésite pas à critiquer, à démonter des mythes, à en construire d’autres. Et si la séquence se révèle d’une efficacité monstrueuse et provoque une satisfaction immédiate au visionnage, elle est aussi très longue et ne fait absolument pas avancer le récit. C’est une longue parenthèse mettant en avant les thèmes et sous thèmes du récits principal mettant en avant les critiques et le message du réalisateur. La troisième et dernière partie du film est sans conteste la plus jouissive, énervante, gênante, explosive et passionnante ! On assiste au rendez vous entre les parents d’élèves et la professeure dans la cours de l’école. Ces derniers, bien remontés face aux images qu’ont pu voir les enfants et inquiets de l’images de la professeure, ainsi que le message que cela pourrait transmettre aux enfants, décident de regarder la vidéos ensemble. Dans le but de pouvoir juger du comportement de la professeure et de savoir si oui ou non elle pourra continuer à enseigner. Face à la cruauté du genre humain, Radu Jude les met face à leur propre hypocrisie et nous propose trois fins allant de la plus réaliste à la plus explosive et incroyable finissant le film en apothéose !

Attention ! Elle a postillonnée !

Si le film peut parfois souffrir d’un rythme en dents de scie, ainsi que d’un côté didactique qui vient desservir le récit, puis d’une maladresse évidente dans la mise en scène et le déroulé des séquences, on est face à une proposition de cinéma explosive et volontaire, qui provoque beaucoup de plaisir. C’est un débat éclatant sur la sexualité et sur ce que l’humain se cache à lui-même. Le réalisateur aborde avec humour les thèmes qu’il décomplexifie, tout ça pour nous servir un propos cohérent et exaltant sur notre société, sur comment elle se sert de notre sexualité, tout en la pointant du doigt lorsqu’elle ne sert pas à vendre. Une très bonne satire aussi plaisante que nécessaire.

Note : 3.5 sur 5.

Bad luck banging or Loony porn au cinéma le 15 décembre 2021.

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