[CRITIQUE] Babysitter – Misogynie soumise à l’humour

D’emblée, il est aisé de prévoir que le film Babysitter de Monia Chokri débordera d’une énergie vibrante, émaillé de dialogues suscitant parfois des réactions sceptiques. Le protagoniste, Cédric, homme mûr aux penchants sexistes, se retrouve au cœur d’une scène de boxe, accompagné de ses amis, où il affiche un comportement de jugement à l’égard des femmes. Oui, il s’agit de ce type de production cinématographique. Le montage effréné, qui navigue rapidement d’un visage à un autre, mettant l’accent sur les attributs physiques des femmes lorsque deux d’entre elles se trouvent en face d’eux, incarne métaphoriquement le point de vue masculin. Avec l’effervescence inhérente à la succession d’images, la célérité des échanges entre les protagonistes franco-canadiens et la teneur des discussions, ces quelques minutes auront pour effet d’accélérer votre rythme cardiaque, voire de vous susciter un bouillonnement émotionnel.

Ce film québécois, adapté de la pièce de théâtre du même nom de Catherine Léger, aborde avec un zeste d’humour la question du sexisme et de la misogynie. Notre anti-héros, Cédric, lors d’un épisode d’ébriété, s’adonne à un baiser non sollicité envers une journaliste en plein direct télévisé, déclenchant ainsi une spirale d’événements imprévisibles. Bien que des questionnements pertinents soient soulevés quant à la manière dont la société traite les femmes, leur exploration s’avère ardue au regard de la multitude d’autres éléments hyperactifs au sein du film. Cédric, convaincu que sa plaisanterie maladroite ne mérite pas une telle réprobation, se trouve rapidement suspendu de son emploi. Même son propre frère, le journaliste Jean-Michel, qui se veut plus compatissant et affirmant mieux comprendre les femmes, rédige un article accusateur à son encontre. Confinés à leur domicile en compagnie de Nadine, sa petite amie exténuée, et de leur bébé en pleurs perpétuels, Cédric et son frère décident d’écrire un ouvrage constitué de lettres d’excuses envers diverses femmes, dans un effort pour réparer leur passé misogyne. Parallèlement, ils engagent une baby-sitter énigmatique répondant au nom d’Amy, une démarche qui forcera le trio à confronter ses angoisses sexuelles et le sens de leur existence.

Si cela vous paraît profondément complexe, c’est que cela l’est en réalité. La cadence effrénée du montage initial se poursuit tout au long du récit, conférant à chaque scène une intensité fiévreuse. Cette nouveauté stylistique dans le cinéma est certes exaltante, mais finit par s’apparenter à un excès. Cependant, il convient de saluer les choix techniques créatifs, particulièrement l’attention minutieuse portée aux décors, à l’instar du cabinet du pédiatre aux allures animalières, arborant une table d’examen en forme de lion, et du jardin idyllique du couple. La dimension sonore du film permet également de capter l’étouffement ressenti par Nadine, reflétant les bruits sourds du martèlement de Cédric, qui la tient éveillée la nuit, ainsi que les pleurs incessants du nourrisson, tels des ombres insistantes. S’agissant du discours sur le sexisme, il revêt parfois un caractère absurde, pourtant délibéré. Les hommes se font les porte-parole de la condition féminine, bien qu’ils ne la comprennent guère. Cette dichotomie engendre des conversations en apparence futiles. Les moments les plus pertinents du film sont ceux où Nadine, fatiguée et lasse, dénonce les failles dans le raisonnement de Cédric et Jean-Michel.

Lorsque Cédric évoque la source de sa misogynie, attribuant sa genèse au comportement de sa mère qui dessinait des robes sur des nus, Nadine récuse immédiatement cette théorie, soulignant son caractère farfelu. L’approche humoristique adoptée s’avère grandement bénéfique, même si les avancées demeurent modestes. Ce que le film réussit incontestablement, c’est d’illustrer que, dans la réalité, la journaliste aurait probablement été accablée de milliers de commentaires haineux, voire de menaces de mort, en cas d’incident similaire. L’intrigue centrée sur le personnage d’Amy prend des directions variées. Présentée comme une Brigitte Bardot déguisée en nourrice, elle incarne davantage un fantasme qu’une personne tangible, une critique valable pour d’autres personnages. Dotée d’une énergie débordante à chacune de ses apparitions, elle adopte par moments une voix profonde et démoniaque, énigmatique en tous points. Son impact sur Nadine est incontestable, la transformant en une version plus sexualisée et dominante d’elle-même. Quant à l’épisode amoureux de Jean-Michel envers Amy, il n’apporte guère de nouveauté. Babysitter se révèle parfois hermétique, cependant, Chokri mérite des éloges pour avoir abordé la question de la misogynie et du sexisme avec une touche légère et novatrice.

Babysitter de Monia Chokri, 1h27, avec Patrick Hivon, Monia Chokri, Nadia Tereszkiewicz – Au cinéma le 27 avril 2022

Critique écrite le 22 avril 2022, mise à jour le 8 novembre 2023 par Louan Nivesse.

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