Certains récits se révèlent trop vastes pour être contenus en une seule pellicule. Débordant d’idées conceptuelles révolutionnaires et de jeux temporels, Alienoid, conçu par le talentueux scénariste et réalisateur coréen Choi Dong-hoon, n’est qu’un prélude à une épopée cosmique tentaculaire. Il séduit par ses tableaux visuels, son rythme endiablé et sa touche comique subtile, tissant habilement une trame narrative alliant l’héritage historique à la science-fiction moderne. En Corée du XIVe siècle, durant la dynastie Goryeo, Muruk (interprété par Ryu Jun-yeol), un sorcier ou “dosa”, se lance à la recherche de la mythique et inestimable Divine Lame. Cependant, sa quête croise le destin d’une jeune femme (Kim Tae-ri) venue du futur, poursuivant un extraterrestre dangereux emprisonné dans le corps innocent d’un humain.
Le récit d’Alienoid se déroule en deux époques distinctes, fusionnant magistralement lorsque ces temporalités s’entrelacent. Dans le présent, une espèce extraterrestre utilise la Terre comme pénitencier, confinant ses criminels dans les méandres des esprits humains endormis. Camouflés en êtres humains, parfois en véhicules ou en droïdes flottants, Guard (interprété par Kim Woo-bin) et Thunder sont chargés de contrôler les évasions peu communes de cette prison particulière. Intégrés à la société après avoir “adopté” un nourrisson trouvé lors d’une mission, ils veillent à ne pas éveiller les soupçons. Cette portion du film, riche en péripéties, sert à exposer les enjeux et à faire avancer l’intrigue. En parallèle, dans le passé, nous suivons Muruk infiltrant un temple secret, permettant ainsi au film de jongler avec humour et de déployer des scènes de combat épiques.
Choi Dong-hoon prend ici des risques audacieux, offrant au divertissement un concept, une esthétique visuelle et une exécution remarquablement complexes. Tout en étant dense, le récit reste accessible, teinté d’humour sans verser dans la farce, et habillé d’effets spéciaux numériques sans être écrasant. Le film navigue avec adresse sur la fine frontière que tant de blockbusters de science-fiction action peinent à maintenir, évitant de sombrer dans la confusion tout en préservant une clarté narrative précise, prenant le temps nécessaire pour déployer son histoire (d’où cette notion de “partie un”).
Par ailleurs, le long-métrage réserve des surprises bienvenues. Malgré quelques prévisibilités, il distille des moments de choc avec subtilité. Les extraterrestres, d’une esthétique visuellement captivante, offrent un regard renouvelé sur des concepts souvent éculés, tels que les OVNIs et les créatures extraterrestres longilignes. L’absurdité est présente, mais de manière parfaitement maîtrisée sur le plan tonal. La performance comique remarquable de Ryu Jun-yeol évite que les éléments du passé ne soient perçus comme du simple remplissage, tandis que le récit du présent maintient le spectateur en haleine. Chaque époque enrichit la compréhension de l’autre, tissées avec finesse par Choi, maintenant ainsi un élan narratif constant, même lors des transitions entre les époques, les palettes et les fils narratifs.
À mesure que le dénouement approche, Alienoid excelle à attiser l’appétit pour la suite. Si le niveau d’action, de spectacle et d’inventivité déployé lors de cette introduction est maintenu, on ne peut qu’espérer que les sommets de son héritage cinématographique seront tout aussi exquis. Il n’est peut-être pas destiné aux amateurs les plus pointus de science-fiction, mais il saura certainement combler ceux en quête d’un divertissement captivant.
Alienoid – Les Protecteurs du futur de Choi Dong-hoon, 2h22, avec Byung-Hee Yoon, Chan-hyung Kim, Dae-Myung Kim – Au cinéma le 31 mars et le 1er avril (et en VOD depuis le 28 février 2024)