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[CRITIQUE] A Good Man – (Very) Bad Cinéma

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Par Louan Nivesse

A Good Man se profile comme un exemple flagrant de casting irréfléchi, cherchant à s’approprier des récompenses en affichant l’actrice cisgenre Noémie Merlant dans un rôle transgenre. Si un réalisateur cisgenre devait porter à l’écran une histoire transgenre, il serait opportun qu’un acteur transgenre incarne le personnage en question. Or, tel n’est manifestement pas le cas ici. Cette démarche soulève un point d’insulte d’autant plus cuisant lorsque l’on apprend que Christian Sonderegger, coscénariste du film, a un frère transgenre. La désignation d’une femme cisgenre pour interpréter un homme transgenre se révèle profondément révélatrice et potentiellement blessante pour toute personne transgenre qui découvrirait ce film.

L’intrigue, mettant en scène Benjamin (incarné par Noémie Merlant) et Aude (jouée par Soko) désireux d’enfanter malgré l’incapacité d’Aude à concevoir, pourrait sembler relativement innocente. Cependant, la manière dont cette histoire est exécutée pose problème. Tout d’abord, le choix du casting est indubitablement controversé : il est impératif d’abandonner l’idée de voir des femmes cisgenres dans des rôles d’hommes transgenres. À cet égard, le film perd toute crédibilité à mes yeux. Aucun artifice de maquillage ou de coiffure ne saurait altérer cette perception. Contrairement à des œuvres telles que Les Heures sombres, où la transformation de Gary Oldman en Winston Churchill est évidente grâce à des prothèses et des effets visuels, l’incarnation par une femme cisgenre du personnage de Benjamin demeure une épine dans le pied de ce film. Une véritable révélation émanerait de la présence d’un acteur transgenre dans ce rôle, voire même d’un acteur cisgenre. Un autre aspect problématique réside dans l’utilisation des flashbacks, domaine où l’interprétation de Merlant est censée briller. Pourtant, même dans ces moments clés de la chronologie, Ben savait pertinemment qu’il n’était pas une fille, une nuance qui échappe à la présentation du genre.

Copyright Pyramide Distribution

Dans le dossier de presse, Marie-Castille Mention-Schaar évoque l’Oscar remporté par Hilary Swank pour sa performance dans Boys Don’t Cry de Kimberly Peirce, soulignant son influence sur les jeunes hommes transgenres et la visibilité accrue de leur communauté. Cependant, cette référence soulève des questionnements légitimes quant à la précision et à l’authenticité de la représentation transgenre, surtout lorsque l’on considère les excuses exprimées par la journaliste Donna Minkowitz pour la façon dont elle a initialement traité l’histoire de Brandon Teena. La participation d’un acteur transgenre tel que Jonas Ben Ahmed dans un rôle secondaire ne suffit pas à racheter les lacunes de ce film, en particulier lorsque la réalisatrice opte également pour un acteur transgenre dans un rôle cisgenre. L’inclusion d’une femme cisgenre dans le rôle d’un personnage transgenre ne contribue en rien à l’avancement des perceptions en Europe, mais renforce plutôt les stéréotypes nocifs associés à l’identité de genre des personnes transgenres.

Il est difficile de ne pas remarquer le choix de Noémie Merlant pour incarner un homme transgenre dans ce film, surtout après les éloges reçus par l’actrice pour son rôle de lesbienne dans Portrait de la jeune fille en feu. On ne peut s’empêcher de se demander pourquoi elle a accepté ce rôle. Refuser une telle proposition aurait certainement été une démarche plus éthique. En outre, le recours à un filtre audio pour altérer sa voix, ajouté de façon quelque peu grossière, témoigne d’une réalisation défaillante. Bien que certaines histoires transgenres méritent d’être portées à l’écran, A Good Man compromet irrémédiablement ses chances de succès en raison de choix de casting et de mises en scène peu judicieux. Espérer un travail subtil et intelligent de la part de la réalisatrice de Bowling serait sans doute utopique.

A Good Man de Marie-Castille Mention-Schaar, 1h48, avec Noémie Merlant, Soko, Vincent Dedienne – Au cinéma le 10 novembre 2021 

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