[CQL’EN BREF] Monkey Man (Dev Patel)

Le cinéma d’action américain est malheureusement monopolisé et sclérosé par la saga John Wick, et au vu des premières images, on pouvait légitimement se demander si Monkey Man allait être une énième copie. Dev Patel, qui signe ici sa première réalisation, embrasse totalement ces attentes. Dès le début il nous signifie qu’il souhaite s’en démarquer, à travers une courte scène chez un vendeur d’armes où l’on demande au protagoniste s’il souhaite acheter les mêmes flingues que ceux du célèbre tueur à gages incarné par Keanu Reeves. Il choisit plutôt un colt 45, plus classique et brut de décoffrage que ces pistolets modernes. La note d’intention de l’acteur-cinéaste est claire, et l’on est tout de suite embarqués dans la vengeance de Kid, un homme mystérieux traumatisé par la mort de sa mère quand il était petit, gagnant sa vie dans des combats clandestins où il porte un masque de gorille.

Inspiré par le diptyque The Raid de Gareth Evans ainsi que par certains polars coréens violents, Dev Patel nous offre des scènes d’action brutales, plus axées sur la violence des coups portés et sur l’utilisation du décor que sur une chorégraphie léchée. Le découpage est assez fluide, avec des coupes judicieuses alternant entre plans longs et mobiles ou rythmés par les impacts. Si Patel ne s’inscrit pas du tout dans un héritage esthétique des films d’action indiens, il ne manque cependant pas d’apporter un point de vue politique, en critiquant la perte des valeurs traditionnelles et spirituelles au profit d’un capitalisme qui gangrène toutes les institutions. L’antagoniste, responsable de la mort de la mère de Kid, est le chef de la police, et en plus de représenter une violence décomplexée, il est de mèche avec les autorités politiques et religieuses (le futur premier ministre et un Gourou) corrompues elles aussi.

Un sous-texte politique, qui bien que peu développé en profondeur, en dit assez pour faire émaner une rage, un cri du cœur des opprimés, venant faire écho à la quête vengeresse du protagoniste. C’est un ajout bienvenu à une narration au schéma classique du film de vengeance, avec son événement déclencheur et le climax attendu. À la différence d’un John Wick à l’invincibilité invraisemblable, Kid est plus faillible, comme en témoigne sa première tentative de vengeance infructueuse qui le pousse à s’entraîner, rappelant de nombreux films d’arts martiaux hong-kongais. Le premier long-métrage de Dev Patel est un petit actioner bestial qui tient totalement sa promesse de spectacle bourrin sans grandes prétentions, mais avec une charge politique intéressante qui lui a valu la frilosité de Netflix. Il se démarque du tout-venant de la production hollywoodienne par son discours. Cependant, s’il doit renouveler l’expérience du cinéma d’action, peut-être devrait-il se détacher de ses influences occidentales pour pousser sa mise en scène plus loin.

Monkey Man de Dev Patel, 2h, avec Dev Patel, Sikandar Kher, Sharlto Copley – Au cinéma le 17 avril 2024.

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