[ANALYSE] The Fog – Pas de fumée sans feu

Fog est un long-métrage de John Carpenter sorti en 1980, qui est aujourd’hui devenu culte. Comme de nombreux films du réalisateur, il a acquis ce statut grâce à diverses raisons, telles que ses nombreux niveaux de lecture, sa musique inoubliable et sa direction artistique originale. Cependant, si on vous recommande aujourd’hui Fog, c’est en raison de sa menace et de ses antagonistes, qui sont particulièrement réussis. Plongez au cœur du brouillard.

La principale menace dans ce film est donc la brume, omniprésente et inarrêtable. Derrière cet événement météorologique, on trouve néanmoins l’un des meilleurs antagonistes de la filmographie de John Carpenter. Mais pourquoi ? Tout d’abord, le brouillard et les fantômes qu’il renferme représentent la version la plus réussie de ce que ce cinéaste conçoit comme le Mal. Le réalisateur a essayé à de nombreuses reprises d’anonymiser ses antagonistes afin qu’ils deviennent “tout le monde”. C’est pourquoi nous retrouvons le masque blanc de Michael Myers ou la capacité métamorphe de l’alien dans The Thing. Cependant, avec The Fog, il fait de cette discrétion l’un des aspects principaux de la menace. La brume avance inlassablement, sans un bruit, et surtout sans que quiconque ne puisse voir ce qu’elle renferme. Filmer des fantômes revient essentiellement à vouloir représenter une certaine idée de l’horreur : l’invisible.

Au-delà de sa fonction symbolique, le brouillard est avant tout une superbe trouvaille visuelle, un hommage à tout un pan du cinéma horrifique. L’esthétique surréaliste du film atteint ici son apogée. Nous avons tous en tête des plans de films d’horreur avec leur nappe brumeuse qui cache la menace ou l’annonce. De Stephen King avec son The Mist à Terreur sur le Trollenberg, film qui a inspiré Carpenter et qu’il cite régulièrement, de nombreuses œuvres ont compris l’importance du brouillard, que ce soit symboliquement ou esthétiquement.

D’un point de vue narratif, cette fumée constante présente de nombreux avantages. Elle isole les personnages principaux et les force à croire au surnaturel. Surtout, elle permet de créer une montée en tension, du suspense et de la peur, en faisant avancer le brouillard. Depuis Alien, sorti quelques mois plus tôt, tout le monde a compris que lorsque l’on ne voit pas une menace, elle est bien plus terrifiante. Notre cerveau prend donc le dessus pour imaginer ce qui se cache dans l’ombre et la brume, créant ainsi d’abord du suspense voire un mystère, puis lorsque le secret est révélé, nous ressentons la peur de voir le fameux brouillard se rapprocher. Carpenter est amoureux des silhouettes, comme nous le montre Halloween, mais ici il pousse le curseur encore plus loin en en faisant la principale menace.

C’est quoi le cinéma selon Carpenter ? Avec The Fog, le réalisateur américain questionne sa propre relation avec le cinéma. Un médium qui permet d’effrayer, mais dont l’existence même et la mise en lumière des ombres font fuir la terreur. En jouant sur les limites de l’invisible, il se permet donc de montrer ce qui ne peut pas être vu naturellement. Tous ses films suivants ont suivi ce schéma. Tenter de rendre le mal le moins visible possible, puis le faire observer sur un écran de cinéma. Il y a dans ce paradoxe beaucoup de beauté et de courage politique. En effet, le brouillard, qui nous empêche de voir le monde tel qu’il est réellement, est construit, dans le film, sur un mélange de mensonges et de tromperies. C’est une métaphore évidente de l’histoire des États-Unis, qui, en apparence propre, est en réalité construite sur la violence, la guerre, le racisme et les massacres. Le brouillard, bien qu’il soit mis en lumière, reste toujours aussi présent, une fumée indestructible et mythique du cinéma américain.

The Fog de John Carpenter, 1h29, avec Adrienne Barbeau, Jamie Lee Curtis, Janet Leigh – Sorti le 19 mars 1980 et disponible sur Shadowz

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