[ANALYSE] Le Monde après Nous & The Killer – Dosage d’Informations


Le Monde après Nous, la nouvelle production Netflix réalisée par Sam Esmail, narre l’histoire d’une famille qui se retrouve isolée du reste du monde dans un Airbnb. Une nuit, deux individus frappent à leur porte, se présentant comme les propriétaires de la location, et insistent pour y rester, affirmant que la fin du monde est en train de se dérouler. Les vingt-cinq premières minutes du film semblent prometteuses, car elles soulèvent de nombreuses questions. Sont-ils véritablement les propriétaires ? L’apocalypse est-elle réellement en cours ? Pourquoi cela se produit-il ? Que va-t-il se passer par la suite ?

Malheureusement, le film qui était centré sur la perspective de la famille depuis le début, change de point de vue le temps d’une séquence pour se focaliser sur les propriétaires, révélant ainsi que la fin du monde est bel et bien en cours et que ces individus sont effectivement les propriétaires du lieu. Cette séquence marque un tournant crucial dans le film, car à partir de là, son intérêt diminue. Examinons les raisons de cette dégradation.

En changeant de point de vue, le film répond à bon nombre de questions qui étaient restées en suspens : les personnes sont bel et bien les propriétaires et la fin du monde est effectivement en cours. Cependant, il subsiste toujours le mystère du pourquoi et du comment, qui ne sera probablement jamais résolu. Le principal problème de cette approche omnisciente réside dans le fait qu’elle élimine toute ambiguïté et toute possibilité d’interprétation, ce qui est préjudiciable dans de nombreuses productions Netflix. Même lorsque les créateurs derrière ces énormes projets audiovisuels sont talentueux. L’ironie dramatique, qui consiste à donner plus d’informations à un personnage qu’au public, ou vice versa, devient ici un fardeau, car elle élimine toute tension ou création d’enjeux, éléments essentiels dans les films estampillés Netflix, qui se concentrent généralement sur la narration. L’équilibre entre un excès et un manque d’informations est complètement déséquilibré dans ce cas-ci. Cette tendance est également observable dans une autre récente sortie de la plateforme, The Killer de David Fincher.

Ce thriller, réalisé par le célèbre cinéaste, est l’adaptation d’une bande dessinée française racontant la froide vengeance d’un tueur à gages. Le choix de se plonger dans l’esprit de ce professionnel implique d’entendre ses nombreuses pensées en permanence. Ses monologues et autres réflexions sont une réussite, car ils créent souvent un décalage humoristique entre le son et l’image, un élément repris de l’œuvre originale. Cependant, cette perspective unique a tendance à être limitante. En effet, malgré le désir du tueur d’adopter de multiples identités, comme en témoignent ses nombreux déguisements et passeports, il demeure un mystère pour le reste du monde. Ce caractère anonyme se traduit par un manque d’informations fournies aux spectateurs, car ceux-ci restent largement dans l’ignorance. On pourrait soutenir que cette approche vise à recréer la froideur du protagoniste, mais à mon sens, elle traduit plutôt l’incapacité de Fincher à susciter des émotions. Étant donné qu’il échoue dans ce domaine, il choisit simplement de les éliminer de son long-métrage en limitant la diffusion d’informations aux spectateurs. Ainsi, nous ne savons pas qui est la compagne du protagoniste avant qu’elle ne soit mise hors jeu, ni quel est son lien avec ses cibles avant leur rencontre. Le climax, qui pourrait être le point culminant en termes d’enjeux et d’émotions, souffre donc d’un manque de contexte, nous laissant constamment à l’écart de l’univers de l’histoire.

C’est quoi le point commun entre Le Monde après Nous et The Killer ? Les deux œuvres échouent dans l’équilibre de la transmission d’informations au spectateur. Esmail dévoile toutes ses cartes trop rapidement, transformant ainsi le film en une expérience dépourvue d’enjeux, tandis que Fincher commet la même erreur en restreignant excessivement la diffusion d’informations. Bien sûr, nous avons affaire à deux approches opposées, mais cela souligne l’importance cruciale de l’équilibre minutieux dans la manière dont nous transmettons des informations au public, ainsi que les effets que cela peut avoir.

Le Monde après Nous de Sam Esmail et The Killer de David Fincher – Exclusivement disponible sur Netflix.

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