[ANALYSE] A Ghost Story – Une multitude de thèmes sous un seul regard

A Ghost Story est un film qui a fait son entrée dans les salles obscures en décembre 2017 sous la direction de David Lowery, un réalisateur à la filmographie courte mais prometteuse, comme en témoigne son récent succès avec The Green Knight. Dans les rôles principaux, Casey Affleck incarne le fantôme le plus passif imaginable, tandis que Rooney Mara se démarque davantage. Nous avons ici affaire à un véritable bijou qui mérite une attention particulière.

D’un point de vue technique, le film se distingue par sa profondeur et sa beauté visuelle. La photographie est une réussite et contribue au déroulement harmonieux de l’histoire. Le choix du format 4:3 est intéressant, exprimant une sincérité narrative et favorisant l’immersion du spectateur dans l’intrigue. De plus, ce format évoque l’idée d’un album de photos que l’on contemple avec nostalgie. La technique utilisée renforce également le thème de la contemplation, au cœur du film. Par ailleurs, la bande-son est impeccable, jouant un rôle essentiel dans la narration. Le silence fait partie intégrante de l’univers du fantôme. Tous ces éléments techniques contribuent à ancrer les concepts explorés par le film, renforçant ainsi sa qualité.

L’un des points forts du film réside dans la diversité des thèmes abordés, traités avec finesse. Le deuil, au centre de la première moitié du récit, est incarné par le personnage de Rooney Mara, illustrant la solitude qui l’accompagne. Cette solitude, palpable chez elle et chez Casey Affleck, le fantôme, découle inévitablement du processus de deuil. Cependant, le thème le plus marquant est le temps qui s’écoule, symbolisé par le fantôme lui-même. Le film offre une réflexion fascinante sur la vie, perpétuellement en boucle, et sur notre passage sur Terre, notre empreinte inéluctablement destinée à disparaître. Cette exploration touche profondément le fantôme, contraint à errer éternellement, à observer sa propre existence et à contempler la vie qui se déroule autour de lui. Le film nous plonge dans une roue infernale, rappelant l’univers complexe de Inception. Le statut du fantôme est subtilement exploité dans le film, générant des mécanismes narratifs captivants. Le réalisateur joue habilement avec le concept paranormal associé aux fantômes, déclenchant des événements surnaturels en fonction des émotions du fantôme. Cela inclut l’allumage de lumières en cas de tristesse ou de colère, ainsi que des renversements de livres sur une étagère, des manifestations classiques du comportement fantomatique. Le film joue également avec le rôle supposé de fantôme en effrayant une famille habitant dans sa maison, la qualifiant ainsi officiellement de “hantée”. Toutefois, le véritable objectif de ce statut est d’observer la vie qui se déroule et le temps qui s’écoule, ce qui constitue un fil conducteur tout au long du film.

Malgré le faible nombre de dialogues, chaque parole a une signification importante. Dès le début, le personnage de Rooney Mara évoque sa peur sans pouvoir l’expliquer clairement, une inquiétude qui s’avère fondée puisqu’elle est observée par le fantôme de son partenaire décédé. Cependant, les dialogues les plus marquants surviennent lors des échanges silencieux entre notre protagoniste et un autre fantôme résidant dans la maison voisine. Ce dernier attend désespérément quelqu’un sans connaître l’identité de cette personne. Lorsqu’il réalise que personne ne viendra, il décide de disparaître à jamais, laissant son drap abandonné au sol. Ces moments brefs mais significatifs illustrent la notion de fatalité à travers le prisme symbolique du fantôme, qui trouve sa réponse et sa paix en fin de compte. La fin, bien que sobre, symbolise la quête de la paix du fantôme, une finalité recherchée par tout être errant. Le fantôme parvient finalement à trouver cette paix, rejetant ainsi le déni de sa propre mort qui l’accompagnait depuis le début de sa transformation en fantôme. Le film marque ce cheminement en trois étapes distinctes, marquées par un reflet visible sur un mur. Cette progression est liée à un petit mot laissé par Rooney Mara dans chaque maison qu’elle a habitée, un fragment d’elle-même. Le fantôme devient obsédé par ce mot, tentant de s’en emparer au milieu du film. Finalement, à la toute fin, il réussit. Le fantôme disparaît, ne laissant derrière lui qu’un drap inerte sur le sol. Il a trouvé la paix en conservant une partie de son ancienne compagne, un moment empreint de romantisme. Cette conclusion est d’une profonde justesse et offre une belle clôture au récit.

« Quelle que fût l’heure à laquelle on se réveillait, on entendait une porte se fermer. » Virginia WOOLF, La Maison hantée

David Lowery nous offre un film exceptionnel qui invite à la réflexion et à l’analyse. Ce long métrage poétique explore une multitude de thèmes tout en réinventant le symbolisme du fantôme. À travers lui, il nous propose une contemplation constante du flux de la vie, nous permettant de nous immerger dans la solitude du temps qui s’écoule. Avec une narration riche en émotions et en symboles, A Ghost Story est une expérience cinématographique captivante.

A Ghost Story de David Lowery, 1h32, avec Casey Affleck, Rooney Mara, McColm Cephas Jr. – Sorti le 20 décembre 2017 en salle

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