[RETOUR SUR..] Les Autres – L’enfer c’est les autres

Sorti en 2001 et troisième long-métrage d’Alejandro Amenábar, Les Autres s’impose dans l’univers du cinéma fantastique tout en flirtant avec l’horreur.

Au cœur d’un somptueux manoir sur l’île de Jersey, au lendemain de la seconde Guerre Mondiale, nous suivons dans ce huis clos, Grace (interprétée par Nicole Kidman) ainsi que ses deux enfants. Alors que son mari parti à la guerre ne donne plus de signe de vie, Grace se retrouve seule à s’occuper de Nicholas et Anne. Atteints d’une maladie les empêchant de s’exposer au soleil, les enfants vivent donc dans l’obscurité tout en suivant l’éducation stricte et rigoureuse que leur impose leur mère. Lorsqu’un jour, disparaissent subitement les domestiques, Grace prend la décision d’en employer de nouveaux. Seulement, l’équilibre familial pourtant primordial au bien-être de tous, se retrouve dérangé au même instant que de multiples événements étranges se produisent. Le tout coïncidant étonnement avec l’arrivée de ces nouveaux domestiques.

© Bac Films

Le film marque le siècle nouveau de par son jeu d’acteur époustouflant mais surtout son twist final. Tourné en Cantabrie dans le Palacio de los Hornillos, cette demeure se présente comme l’une des rares architectures victoriennes sur le territoire espagnol. Dans son esthétique sombre et froide, Amenábar plonge ses spectateurs dans cette ambiance sinistre frôlant l’horreur sans pour autant basculer dans ce dernier. Le cinéaste prend son inspiration dans les peurs de l’enfance mêlant jeux d’ombres, claquements de porte, déplacements d’objet ou encore piano qui se joue seul. La salle de cinéma tout aussi obscure que le manoir de la famille, est plongée dans une atmosphère pesante. Les successions de silence permettent à l’angoisse de gagner aussi bien l’esprit des spectateurs que celui de Grace.

Avec une absence de scènes d’horreur explicites, le film, de son rythme assez lent, amène le surnaturel avec beaucoup de subtilité. Tout un mystère se crée autour des domestiques, suscitant l’interrogation auprès de la petite famille mais également auprès du public. C’est avec le twist final (merci d’arrêter votre lecture ici si vous ne voulez pas que je vous dévoile le plus grand twist de tous les temps !) que la vérité éclate autour de chacun. Nos chers protagonistes ne sont pas victimes d’un manoir hanté mais ce sont bel et bien eux-mêmes les précieux spectres qui hantent ces lieux.

© Bac Films

La présence fantomatique est bien évidemment le sujet central du long-métrage. Lorsqu’un lieu est hanté, cette présence est synonyme d’un refus de la personne défunte. Le fantôme perçoit comme illégitime sa mort ou refuse d’y faire face. Ainsi la raison pour laquelle nos personnages principaux hantent la demeure familiale tandis que le père, lui, ne peut qu’être de passage avant de retourner sur les lieux de l’affront où il y a perdu la vie. La fine barrière séparant le monde des morts au monde des vivants est questionnée autant par les spectateurs que par Grace. La frontière entre les deux mondes se brouille comme l’épais brouillard blanc dans lequel s’enfonce et se perd la jeune mère lorsqu’elle cherche à rejoindre le village. Elle ne parvient à arriver à cet endroit plein de vie et y trouve finalement son défunt mari dans son errance. Amenábar, jusqu’à la révélation, place le spectateur du point de vue de la mère. Nous nous questionnons sur la possible présence d’esprits au sein de la résidence, sans nous apercevoir que nous, comme elle, sommes le fantôme. Au même titre qu’un spectre, le spectateur est aussi voyeur qu’invisible.

Grace, refuse d’accepter le tragique destin de sa famille dont elle seule est la responsable. Lorsque la vérité éclate, les rideaux s’ouvrent au grand jour comme nos yeux ainsi que les leurs, sur les véritables faits. C’est avec cette découverte que l’on comprend que le film traite du déni et de la démence. Loin d’un simple film de fantômes, cette œuvre remet en question la place de l’individu dans le monde qui l’entoure. La dénégation d’un acte accompli peut mener jusqu’à sombrer dans la folie, au détriment de nos êtres les plus chers.

Les Autres de Alejandro Amenábar, 1h57, avec Nicole Kidman, Alakina Mann, Fionnula Flanagan – Sorti au cinéma le 22 octobre 2001 et projeté à la 51e édition du Festival La Rochelle Cinéma dans le cadre de la rétrospective Nicole Kidman

0
0

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *