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[CRITIQUE] Miss Révolution – la fin du patriarcat (?)

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Par Louan Nivesse

Revenons à la sphère sélecte des productions “première” de Canal+ après la déception qu’a été Le Jardin Secret, pour aborder leur toute nouvelle œuvre inédite en France : Miss Révolution. Dans ses thèmes, son casting et son message, dès le synopsis, on peut y déceler une similitude quasi-flagrante avec le récent “Miss” de Ruben Alves. Cependant, Miss Révolution parviendra-t-il à atteindre le niveau d’impact de son prédécesseur ? Réussira-t-il à transcender cette catégorie souvent décriée des productions “première” ?

À la fin des années 60, le concours de Miss Monde captivait des millions de spectateurs. En 1970, le Mouvement de Libération des Femmes investit la compétition en direct, bouleversant à jamais le cours de l’histoire de Miss Monde.

Miss Révolution recrée l’univers et la mentalité sexiste qui prévalaient au début des années 1970 et imprégnaient tous les aspects de la vie. Dès les premiers instants du film, nous assistons au combat de Sally Alexander (incarnée par Keira Knightley) pour être prise au sérieux en tant qu’étudiante, méritant une place à l’université. Greg Kinnear interprète Bob Hope et Rhys Ifans campe Eric Morley, le propriétaire du concours Miss Monde. Tous deux excellent dans leur rôle de personnification du patriarcat, incarnant deux hommes sexistes qui dédaignent les prétendues “femmes libres”, aimant à exercer leur pouvoir et à réduire les femmes à leur apparence.

Knightley et Jessie Buckley se distinguent dans les rôles principaux, représentant deux femmes aux perspectives opposées sur la lutte pour l’égalité. Knightley incarne une étudiante de la classe moyenne supérieure, désireuse de changer le système de l’intérieur, tandis que Buckley interprète Jo Robinson, une femme résolue à défier le patriarcat et à vivre en marge de l’establishment masculin. Cette dernière évolue dans une communauté sans empreinte patriarcale, où l’on peut voir des slogans sexistes peints à la bombe sur les panneaux de la ville. « Apprends à cuisiner, bordel ! » tel est le tag écrit par le personnage de Jo Robinson. Bien que ces deux actrices incarnent avec brio deux femmes aux perspectives différentes sur le féminisme, ce sont pourtant Gugu Mbatha-Raw et Loreece Harrison qui captivent le plus.

Dans Miss Révolution, Gugu Mbatha-Raw interprète Jennifer Hosten (Miss Grenade) et Loreece Harrison campe Pearl Jansen (Miss Afrique du Sud). Ces deux personnages semblent indispensables, illustrant la signification différente que revêt la compétition Miss Monde pour elles, y voyant une opportunité pouvant ouvrir des portes vers la tolérance. La narration jongle habilement entre divers scénarios et perspectives sur le féminisme, soulignant l’importance des deux luttes, tout en mettant en lumière la difficulté du mouvement de libération des femmes à appréhender le concours Miss Monde autrement que comme une objectivation des femmes. Certaines scènes sont volontairement dérangeantes, comme lorsque les concurrentes doivent se tourner pour montrer leurs fesses aux juges et aux photographes. Le personnage de Sally compare cette compétition à une vente aux enchères de bétail, une analogie qui atteint son paroxysme à ce moment précis. Une conversation poignante entre Mbatha-Raw et Harrison, sur ce à quoi Pearl peut s’attendre en rentrant en Afrique du Sud pendant l’apartheid, illustre une fois de plus l’ampleur de la compétition à l’échelle mondiale, en particulier pour les femmes de couleur invitées à y participer.

Bien que le mouvement de libération des femmes ait réuni des femmes de tous horizons à Londres pour lutter pour leurs droits, il semble qu’il n’ait pas saisi pleinement l’impact de la manifestation sur les concurrentes. Si Miss Révolution capture un moment clé de l’histoire des droits des femmes, un peu plus de temps à l’écran aurait été bénéfique pour les concurrentes, notamment les deux Miss de couleur, dont l’importance est indéniable mais qui restent en retrait par rapport au mouvement.

Il est important de noter que bon nombre des enjeux pour lesquels le mouvement de libération des femmes se battait dans Miss Révolution demeurent d’actualité. Le personnage de Mbatha-Raw explique l’importance de la représentation et pourquoi la compétition revêt tant d’importance pour elle. Ces points résonnent également chez les femmes de couleur aujourd’hui. Ce constat est frappant, car le film se déroule dans les années 70, et bien que la situation se soit améliorée depuis lors, la lutte pour l’égalité des femmes est loin d’être achevée. Avant de conclure, notons le climax saisissant et juste du film, orchestré sur l’envoûtant “Dies Irae” de Verdi, sous une mise en scène maîtrisée et intelligente. Cette scène demeure, sans conteste, le point culminant du film.

En résumé, Miss Révolution n’est certes pas un film parfait, mais ce drame historique saisit un moment trop souvent négligé de l’histoire et parvient à présenter plusieurs points de vue sur l’importance de l’égalité des droits. Cependant, on pourrait reprocher une certaine lourdeur dans ses propos anti-patriarcat, répétés à l’envi. Les scénaristes auraient pu recentrer leur discours pour rendre le film plus fluide. Malgré cela, le long-métrage demeure une œuvre importante et nécessaire.

Miss Révolution de Philippa Lowthorpe, 1h46, avec Keira Knightley, Jessie Buckley, Gugu Mbatha-Raw – Sorti le 5 mars 2021

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