[CRITIQUE] Memento Mori – Rencontre entre cinéma et réalité

Aujourd’hui sort dans les salles françaises Memento Mori, le nouveau film de Jean Heches, une œuvre qu’il a écrite et montée en plus d’être le réalisateur et le directeur de la photographie. Autant dire que c’est un film à l’équipe et au budget limité notamment car il a été tourné en temps de pandémie (avez-vous déjà entendu de ce fameux COVID-19 ?). L’autre raison principale de ce tournage en petite équipe c’est l’acteur principale du film : Philippe Larcher. Après avoir passé 21 ans en prison, la plupart du temps en isolement, il a eu beaucoup de mal à se retrouver au sein d’un collectif pour le tournage. Jean Heches a alors décidé de tourner ce film avec une équipe réduite pour faciliter le travail de son acteur principal.

En fait Philippe Larcher est le moteur du film alors il est important de raconter son histoire pour donner notre avis sur Memento Mori. Alors qu’il n’a que vingt ans, il commet un triple homicide sous alcool et passe donc les vingt-et-une année suivante en prison. À sa sortie, il entre dans un centre d’accueil pour faciliter sa réinsertion puis s’installe dans un logement social, seul, et reproduit la même routine que lorsqu’il était enfermé. En 2019, alors qu’il fait la manche près d’une gare, il rencontre le réalisateur Jean Heches qui touché et inspiré par son histoire décide d’en réaliser un film quasiment documentaire. Philippe Larcher accepte, notamment car lors de son séjour en prison il s’est pris de passion pour le cinéma français des années trente, quarante et cinquante. Memento Mori c’est donc le résultat de cette collaboration entre le réalisateur et Philippe Larcher, dont c’est le premier rôle au cinéma.

Symbole de la rencontre entre le cinéma de Jean Heches et la réalité de Larcher.

Ce que l’on peut dire d’entrée c’est que l’aspect documentaire donne une sincérité à l’œuvre qui nous plait immédiatement. L’histoire de Larcher est forcément intéressante et son interprétation est évidemment réussie puisqu’il s’incarne lui-même. Lorsqu’il évoque son amour pour La Grande Evasion de Renoir, il improvise presque en parlant de ce qu’il ressent, lorsqu’il interagit avec d’autres acteurs en parlant de son expérience en prison, en centre de réinsertion ou dans la rue, il relate de réels souvenirs. Philippe Larcher est un trou noir qui aspire les prestations de tous les autres acteurs. Il est le personnage principal du film voir même du projet ce qui forcément rend le reste de l’œuvre un peu insipide. Memento Mori c’est la rencontre entre Larcher et une jeune activiste en cavale. La partie sur Larcher intéresse forcément, notamment car il se livre sur ce qui l’a envoyé en prison ou sur sa routine depuis sa sortie, ce qui est forcément un sujet intéressant et peu traité au cinéma, voir même dans les documentaires journalistiques.

La deuxième partie du film, celle qui met bien plus en scène l’activiste, est du coup moins intéressante pour plusieurs raisons. Tout d’abord elle manque de sincérité : on a affaire ici à des acteurs qui jouent le rôle d’activistes préparant des actions coup-de-poing. On ne croit pas toujours aux dialogues puis l’intrigue en elle même reste assez faiblarde. Le groupe cherche un traitre parmi eux qui aurait envoyé l’un des membres en prison. Déjà les enjeux sont tout de même très limités et on n’est que rarement impliqué dans l’histoire. En plus de cela la révélation de l’identité du traitre ne changera rien, elle n’a pas de conséquences sur les personnages du film. Là où la partie sur Larcher, bien que quasiment documentaire, faisait évoluer le « personnage » en le montrant plus sociable, la deuxième partie fait quasiment l’inverse en figeant le groupe d’activiste dans une immobilité gênante.

La sincérité de certaines scènes est l’un des points forts de l’œuvre.

On sort assez mitigé de Memento Mori, ou le projet dépasse l’œuvre finale, en étant bien plus intéressant sur le papier. Il en reste un film qui traite de sujets importants, notamment avec toutes les démarches administratives auxquelles est contraint Larcher ou encore sur les conséquences. Que ce soient les conséquences des actes de Larcher vingt ans plus tôt, ou le manque de conséquences des actions du groupe, ce sont des sujets de sociétés intéressants à filmer. Sur le papier c’est très intéressant, malheureusement dans les faits c’est bien long et Memento Mori aurait peut-être gagner à être un moyen-métrage. Pour conclure j’aimerais vous recommander la bande originale de l’œuvre, créer par le groupe de jazz Gogo Penguin, qui a eu carte blanche pour les compositions. Des musiques qui viennent rappeler l’originalité des personnages, toujours en décalage avec le reste de la société. C’est quoi le cinéma pour Memento Mori ? Finalement c’est un joli projet, qui lors de son passage sur la toile faiblit beaucoup. Il en reste des scènes sincères, parsemés sur un ensemble très inégal.

Note : 2.5 sur 5.

Memento Mori au cinéma le 18 mai 2022

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