[CRITIQUE] Marinette – Malgré son époque

Adapté de l’autobiographie de Marinette Pichon « Ne jamais rien lâcher » parue en 2018, le second film de Virginie Verrier suit le parcours de la première footballeuse française professionnelle, sa vie familiale et amoureuse et sa carrière en équipe de France et aux États-Unis. 

Premier film sur une sportive française, Marinette reprend la structure la moins originale du biopic en enchainant les moments importants de la vie de la footballeuse, sa passion pour le jeu, les débuts difficiles, puis alterne les scènes de succès et d’échec dans un récit très linéaire et peu surprenant. Les étapes de son parcours sont rejouées de manière ordonnée et illustrative, chaque scène ne semble se dérouler que pour disposer les informations nécessaires à la progression de l’intrigue.

© The Jokers Films

Vecteur d’émancipation, le football mène aussi Marinette (Garance Marillier) à s’affirmer et à lutter pour la reconnaissance et la professionnalisation du sport pour les femmes. Le jeu en lui-même n’est cependant pas au cœur du film qui s’attarde peu sur ses coéquipières si ce n’est une rivale en équipe de France ou une camarade plus sympathique aux États-Unis. Marinette récupère le ballon, dribble et file au but, cet enchainement répété à l’excès consiste en la majorité des scènes de football du film qui ne parvient jamais à montrer le jeu en ce qu’il a de collectif. Le choix de se focaliser exclusivement sur le personnage principal dessert non seulement la représentation du sport et de la dynamique d’équipe, mais aussi la portée globale du combat que mène l’héroïne.

Au-delà du jeu, le film est également imprécis sur la lutte de Marinette pour la reconnaissance du football féminin. Quelques anecdotes sur le manque de considération des joueuses parsèment l’intrigue, l’hypocrisie des hautes instances du football français, le manque de moyen et d’aide sont énoncés, mais le film détaille peu contre quoi Marinette agit, l’étendue de ce qui doit être amélioré. Les rouages du fonctionnement de la fédération, les différentes injustices auxquelles font face les joueuses, si ce n’est leur manque de statut professionnel, sont brièvement abordés. Une ligne de dialogue en fin de film révèle qu’elles sont contraintes de cumuler un emploi à côté de leur activité de footballeuse, mais cette partie cruciale de leur vie et leur situation précaire sont à peine montrées. Les parallèles avec la situation actuelle du football féminin que le film tente de dresser se retrouvent alors moins incisifs et pertinents.

© The Jokers Films

Si l’on peut se réjouir que le football féminin puisse être mis en avant, Marinette s’inscrit cependant dans l’essoufflement du genre du biopic et du cinéma populaire dans sa globalité. Plusieurs artifices que l’on retrouve beaucoup dans le cinéma populaire contemporain (une musique omniprésente et un montage au rythme beaucoup trop soutenu) participent à rendre le film très convenu et quelconque malgré le caractère exceptionnel de la vie de son héroïne. L’envergure importante du film qui commence au début des années 90 pour se conclure à la fin des années 2000 ainsi que son grand nombre de péripéties occasionnent de nombreux raccourcis et omissions. Plusieurs événements importants de l’intrigue (comme la faillite de la ligue américaine de football féminin) sont présentés dans des cartons, des ellipses nuisent à la narration fluide et organique de la vie de la footballeuse.

Marinette se distingue tout de même en étant un des rares films français à traiter le football sérieusement. Le film dispose de moyens relativement confortables (budget, casting) et les scènes se déroulant aux États-Unis, souvent dans des grands décors et avec beaucoup de figuration, créent des images rares dans le cinéma français. Malgré ses moyens conséquents, on remarque que le film est toutefois peu distribué et très peu commenté, notamment dans les médias sportifs alors qu’il s’inscrit pourtant dans l’actualité avec la prochaine coupe du monde de football féminin organisée en Australie et en Nouvelle-Zélande. Si le football féminin et la vie de Marinette Pichon peuvent aujourd’hui faire l’objet d’un film, cette nouvelle liberté se heurte malheureusement aux limites du cinéma contemporain et ne semble toujours pas s’imposer comme une évidence dans le paysage cinématographique français.

Marinette de Virginie Verrier, 1h36, avec Garance Marillier, Émilie Dequenne, Alban Lenoir – Au cinéma le 7 Juin 2023.

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