[CRITIQUE] Le Colibri – Long récit pas très actuel

Le Colibri, adaptation du roman éponyme de Sandro Veronesi, nous plonge au cœur d’un récit qui explore l’équilibre fragile entre la stagnation dans un monde en perpétuel mouvement et les répercussions des familles dysfonctionnelles sur les générations à venir. Toutefois, en essayant d’aborder simultanément ces deux aspects, le film aurait pu atteindre une profondeur plus saisissante.

PIERFRANCESCO FAVINO LEGACY

Dans un premier temps, le film nous dévoile la dynamique tumultueuse de la famille de Marco, où les personnalités éclatantes de ses parents s’entrechoquent dans une relation instable que leurs trois enfants ne peuvent ignorer. Ainsi, Marco grandit avec une vision fragmentée des relations amoureuses, oscillant entre l’idéalisation d’un amour éternel et les réalités complexes qui minent les liens familiaux. Au fil de l’histoire, Marco semble être en perpétuel affrontement avec la vie elle-même. Il aspire à l’immobilité, à demeurer dans un univers figé où il pourrait conserver la même maison, la même famille, l’amour immuable. Mais le monde ne cesse de se transformer, laissant place à la vie et à la mort, tandis que Marco demeure immuable. Cependant, cette notion d’immobilité ne parvient pas toujours à se traduire de manière convaincante à l’écran. Pourquoi Marco souhaite-t-il demeurer immobile ? En quoi cela améliore-t-il sa vie ? Car de ce que j’ai pu observer, ce n’est pas le cas. Peut-être que si Marco avait osé prendre quelques risques, sa vie aurait pu connaître une trajectoire différente ? Le changement peut être effrayant, certes, mais Marco ne fait même pas l’effort d’essayer. Cette attitude le maintient certes dans un semblant de satisfaction, mais elle entrave également son épanouissement personnel et celui des personnes qui l’entourent.

Pierfrancesco Favino (un acteur principal convaincant qui a également offert des performances mémorables dans Le Traître et Dernière nuit à Milan, entre autres), par sa performance, nous offre un Marco qui s’adapte aux changements inévitables sans réellement évoluer. L’acteur livre une interprétation convaincante du Marco vieillissant, traversant amours, familles et bien d’autres aspects de la vie. Toutefois, une scène isolée se démarque par une prestation légèrement figée, où les dialogues sont déclamés sans véritable émotion. Cependant, cette occurrence reste anecdotique au sein du film, puisqu’une autre scène bouleversante, dans laquelle Favino exprime une profonde douleur, peut convoiter des sanglots.

© Paname Distribution
CINÉMA HORS DE SON TEMPS

Si les performances des acteurs dans Le Colibri sont solides, il est toutefois regrettable de constater que les personnages féminins y sont relégués à des rôles secondaires. Bien que cela ait pu être intentionnel, le film laisse transparaître une thématique centrée sur la santé mentale qui ne concerne que les femmes. Les femmes de la vie de Marco sont toutes qualifiées de “folles”, qu’il s’agisse de sa sœur, de sa mère, de son épouse, de son amante ou même de sa fille et de sa belle-sœur. Leurs actions semblent dénuées de sens ! Toutes ces femmes ont besoin d’une aide psychanalytique, mais curieusement, les hommes ne semblent jamais avoir les mêmes besoins. Un schéma préoccupant que l’on ne s’attendrait pas à rencontrer dans un film sorti en 2023. Le Colibri pêche également par sa durée excessive, s’étirant de 40 minutes de trop. Une intrigue suggérée dès le début du film prend une place prépondérante dans le dernier acte, sans réel apport à l’histoire. Cette sous-intrigue ne fait que prolonger un récit qui avait déjà rempli son objectif depuis longtemps. Une édition plus rigoureuse aurait été nécessaire pour éviter ces éléments superflus.

Le Colibri de Francesca Archibugi offre des performances solides et une magnifique photographie. Or, en cherchant à explorer à la fois l’immobilité et le dysfonctionnement familial, le film aurait pu gagner en profondeur en se concentrant sur un seul aspect. La dynamique dysfonctionnelle de la famille de Marco est brillamment mise en lumière, mais l’immobilité de Marco aurait mérité d’être davantage développée. Une réduction de la durée du film aurait également permis d’éviter des éléments superflus. Le Colibri demeure une expérience cinématographique captivante, offrant une réflexion sur la complexité des relations humaines et les conséquences des choix de vie.

Le Colibri de Francesca Archibugi, 2h06, avec Pierfrancesco Favino, Kasia Smutniak, Bérénice Bejo – Au cinéma le 2 août 2023.

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