[CRITIQUE] Girl Picture – Histoire(s) du cinéma

Durant le FEMA 2023, des dizaines d’articles ont été publiés sur des films variés. Pourtant, si je devais vous conseiller un seul long-métrage de la sélection annuelle, ce serait Girl Picture d’Alli Haapasalo. Après sa projection à Sundance puis à Berlin, et en tant que candidat finlandais aux Oscars, cette œuvre a conquis de nombreux publics sur son passage. Je vais vous expliquer pourquoi immédiatement.

Mimmi et Rönkkö sont deux jeunes adultes qui travaillent dans un simili-Starbucks à côté de leurs études. Pendant leurs longues journées de travail, elles parlent d’amour, de sexe et d’orgasmes. Enfin, en réalité, elles ne parlent pas d’orgasmes car Rönkkö ne prend pas de plaisir avec les garçons qu’elle rencontre. De son côté, Mimmi réussit à assouvir son désir sexuel, mais elle aimerait être beaucoup plus épanouie sur le plan affectif. Cette histoire classique de teen movie et de coming-of-age regorge pourtant de subtilités. Je n’ai jamais vu une œuvre récente dépeindre aussi bien les relations que les adolescents entretiennent entre eux, ainsi qu’avec leurs parents. Girl Picture ne tombe jamais dans les clichés faciles et réussit au contraire à dépeindre des vies aussi complexes qu’uniques. Un film sur le désir féminin, écrit par une femme, est tout de suite beaucoup plus crédible que les dizaines d’œuvres sorties ces trente dernières années.

© Salzgeber & Co. Medien GmbH

En multipliant les situations sur une période de trois semaines, le long-métrage d’Alli Haapasalo parvient à être constamment imprévisible. Que ce soit une partie de laser-game dans une forêt enneigée, un rendez-vous amoureux agrémenté d’une touche de vomi, ou une démonstration de danse au milieu de la nuit, des situations aussi originales qu’étonnantes se succèdent, avec en toile de fond l’évolution de nos protagonistes. Cette volonté de présenter un maximum d’événements en une heure et demie permet à Girl Picture de traiter le phénomène adolescent dans son ensemble. Mais surtout, ce long-métrage a toutes les cartes en main pour devenir instantanément culte : des séquences inoubliables, des répliques hilarantes et des personnages immédiatement caractérisés.

D’ailleurs, la caractérisation de nos protagonistes passe en grande partie par la bande-originale du film. Que ce soient les musiques qui nous révèlent des informations sur elles, comme c’est le cas avec “Trop de Temps” de La Gale, qui révèle à la fois la relation de meilleure amie entre Emma et sa mère, ainsi que sa compréhension de la langue française. Toutes ces informations sont transmises de manière fluide, sans que les musiques ne soulignent lourdement des évidences. On peut également citer ces titres qui révèlent les sentiments cachés de nos personnages, les faisant exploser dans des séquences de danse ou de fête, comme c’est le cas avec “I’m in The Mood for Love” de Julie London.

© Salzgeber & Co. Medien GmbH

Il est difficile de vous expliquer, dans ces courtes critiques, pourquoi un film comme Girl Picture est si important. Connaissez-vous beaucoup de longs-métrages qui vous donnent envie de sauter, danser, jouir, courir, faire la fête et tout simplement profiter de la vie ? Il fait partie de ces œuvres qui donnent envie de vivre, qui procurent une pulsion de vitalité et d’énergie. C’est la phrase la plus clichée que j’ai écrite sur ce site, mais elle est pourtant vraie. Alli Haapasalo parvient à capturer des tranches de vie et des instants de beauté pour vous les redistribuer avec force.

C’est quoi le cinéma d’Ali Haapasalo ? En seulement quelques longs-métrages et plusieurs courts, la réalisatrice finlandaise s’est imposée comme la nouvelle référence du coming-of-age nordique. Ses films abordent des sujets puissants tels que la dépression, la famille, le sexe et l’amour, tout en offrant différents angles humoristiques. En sortant de cette séance, pendant les premiers jours de ce beau festival qu’est le FEMA 2023, j’ai compris qu’il deviendrait mon festival préféré. Alors, allez regarder Girl Picture ! De mon côté, je dois réécouter encore et encore cette jolie bande-originale. On le répète tous les jours sur C’est quoi le cinéma, mais j’ai envie de me répéter une fois de plus après Girl Picture : vive le cinéma.

Girl Picture d’Alli Haapasalo, 1h41, avec Aamu Milonoff, Oona Airola, Mikko Kauppila – Projeté à la 51e édition du Festival La Rochelle Cinéma, disponible sur FILMO

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