[CRITIQUE] Gagarine – Un peu plus près des étoiles

Alors que le monde est plongé dans le chaos et la corruption, l’endroit le plus sûr est dans les étoiles. Le film commence par des images d’archives montrant Youri Gagarine, le premier homme à se rendre dans l’espace en 1961, accueilli par des acclamations et des applaudissements au moment où il inaugure la cité d’appartements de la banlieue de Paris qui porte son nom, la Cité Gagarine. Le film fait un bond en avant, 50 ans plus tard, alors que la Cité Gagarine est sur le point d’être démolie. Youri (interprété par le nouveau venu Alséni Bathily), un astronaute en herbe, tente de sauver l’immeuble de l’effondrement en transformant le HLM en vaisseau spatial. Il réorganise le câblage électrique de l’immeuble, cultive des plantes hydroponiques et fabrique des filtres à eau en s’inspirant de vidéos YouTube de cosmonautes vivant dans l’espace. Avec l’aide des anciens résidents, Diana (Lyna Khoudri) et Houssam (Jamil McCraven), Youri tente non seulement de sauver leur maison, mais aussi l’histoire et les souvenirs qui ont fait de cet immeuble un lieu plus solide que n’importe quelle autre fondation. Alors que Youri risque sa vie et ses membres pour sauver sa maison et son vaisseau spatial, il franchit le point de non-retour.

Liatard et Trouilh ont filmé les résidents de la Cité Gagarine. Le film s’est transformé en récit théâtral lorsque des membres de l’association à but non lucratif Voisins sans frontières ont aidé Liatard et Trouilh à réaliser le film en demandant aux résidents de parler de leurs souvenirs et de leurs conditions de vie dans cet ensemble de 370 appartements. Plutôt que de filmer un drame crasseux sur la vie dans un immeuble délabré, Liatard et Trouilh ont réussi à créer une histoire poignante qui fait le lien entre l’évasion de science-fiction de Rencontres du troisième type (1977) de Steven Spielberg et l’objectivité du style “cinéma-vérité” de Moi, Daniel Blake (2016) de Ken Loach. La caméra rotative du directeur de la photographie Victor Seguin vous donne la sensation de monter en spirale dans l’espace et au-delà de la réalité, même lorsque vos pieds sont fermement plantés sur le sol. L’éclairage rouge cramoisi de l’appartement de Youri rappelle le Discovery One de 2001 : L’Odyssée de l’espace (Stanley Kubrick, 1968). La partition hypnotique et bourdonnante d’Amin Bouhafa et Evgueni Galperine s’ajoute également au spectacle visuel.

Bathily apporte à la fois une intensité physique et un grand cœur dans le rôle d’un rêveur qui tente de sauver le bâtiment qui a abrité ses souvenirs et ses ambitions. Luna Khoudri apporte une présence nourricière et désinvolte au film, alors qu’elle tente d’aider Youri à ne pas perdre son orbite dans le monde qu’ils habitent, ce qui donne lieu à une scène mémorable sur une grue à tour. La performance de Finnegan Oldfield, dans le rôle d’un petit dealer coriace, ajoute à l’humour et à l’énergie poignante du film. Mon seul regret concernant Gagarine est de ne pas l’avoir vu dans une salle comble. Cependant, indépendamment de la taille de l’écran ou de l’avenir du cinéma social, Gagarine est un film émouvant et ambitieux qui signale l’arrivée de nouveaux talents vitaux sous la forme des réalisateurs Fanny Liatard et Jérémy Trouilh.

Gagarine au cinéma le 23 juin 2021.

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